FAUT-IL S'ATTENDRE à un nouveau report du versant technique de la Classification commune des actes médicaux (Ccam), au-delà du 1er décembre ? La question se pose à l'heure où la marche vers la nouvelle nomenclature, commencée il y a environ dix ans, semble marquer une pause.
L'entrée en vigueur de la Ccam technique fut programmée à un moment donné au 1er juillet 2004, puis l'assurance-maladie et les syndicats médicaux, montrant leur volontarisme, ont décidé de lancer le 1er octobre (« relevés de conclusions » des 22 juillet et 26 août). Enfin, l'impréparation des cliniques privées à la tarification à l'activité (T2A) a différé pour l'instant la mise en orbite de la Ccam technique au 1er décembre.
Le comité de pilotage de la Ccam vient de finir de valider dans son ensemble les scores des actes techniques, le coût de la pratique et les règles générales de la nouvelle grille tarifaire aux 7 200 libellés (« le Quotidien » du 28 septembre), avant de s'attaquer jeudi prochain à la hiérarchisation des consultations (Ccam clinique, officiellement attendue pour le 1er janvier 2005).
Un frein institutionnel.
Pourtant, la Ccam technique est encore loin d'être bouclée. Premier frein d'ordre institutionnel : Frédéric Van Roekeghem, le tout nouveau directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) et futur super-directeur de l'Union nationale des caisses (Uncam), prend ses marques et reçoit tour à tour l'ensemble des syndicats médicaux et des centrales syndicales de salariés. « Passé ce tour de table, il va falloir qu'on se mette d'accord sur la Ccam », déclare le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf). L'Umespe, la branche spécialiste de la Csmf, réclame à Frédéric Van Roekeghem, d'une part, l'installation « sans retard » de l'observatoire prévu par l'accord du 26 août et, d'autre part, l'ouverture d' « une négociation pour finaliser immédiatement l'outil informatique indispensable pour la mise en place de cet observatoire et l'application de la T2A au 1er décembre 2004 ». « Si cet outil informatique n'est pas finalisé au 15 octobre, les éditeurs ne pourront pas l'intégrer à temps dans leurs logiciels », explique le président de l'Umespe, Jean-François Rey.
A la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Jean-Claude Régi a noté avec satisfaction, à l'issue de son entretien avec le directeur de la Cnam, que celui-ci « ne veut pas manquer le passage à la Ccam : il ne faudrait pas qu'il y ait plus de doléances que de médecins satisfaits ».
Contestation.
Le pari n'est pas aisé, car certaines spécialités remuent déjà dans les brancards. « Les chirurgiens vasculaires commencent à contester la méthodologie même, alors que tout le monde, y compris les sociétés savantes, avaient donné leur accord, raconte le Dr Régi. Les radiologues disent que la Ccam est biaisée et ne tient pas bien compte du coût de la pratique pour eux. » Par la voix de leur syndicat (Snarf), les anesthésistes-réanimateurs ont précisé récemment qu'ils n'excluaient pas de faire grève dans les maternités pour protester notamment contre la baisse du tarif des péridurales obstétriques (« le Quotidien » du 30 septembre). « Il faut sortir du délire ambiant, tranche Michel Chassang. On entend crier au loup les gagnants de la Ccam, comme les anesthésistes, les gynécologues-obstétriciens et les chirurgiens. Il s'agit quand même d'une réforme POUR les médecins libéraux et pas contre eux, puisqu'elle permettra une plus grande équité, une connaissance fine de notre activité [par le codage des actes, Ndlr] et une revalorisation annuelle des actes techniques. »
On sait néanmoins que la nouvelle grille tarifaire des actes techniques, à peine née, devra subir des « liftings » assez vite dans le cadre du dispositif de maintenance. C'est pourquoi le Dr Jean-Gabriel Brun de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (Uccsf-Alliance) la compare à « une grande maison que l'on va consolider peu à peu avec des étais à défaut de pouvoir la dynamiter ».
Surtout, il reste une grande inconnue, à savoir le montant de l'enveloppe de restructuration, qui doit permettre aux spécialistes perdants (sur l'ensemble de leur activité ou sur certains actes seulement) de s'y retrouver pendant une période de trois à cinq ans. Les experts découvrent peu à peu à quel point les simulations moyennes en pourcentage (« le Quotidien » du 13 septembre) sont hasardeuses car la nomenclature sans codage toujours en vigueur (Ngap) ne permet pas de connaître le nombre de médecins spécialistes concernés par tel ou tel acte phare dont le tarif dégringole. Au SML, qui évalue à « 334,4 millions d'euros » en honoraires remboursés la compensation nécessaire aux perdants en tout genre, le Dr Dinorino Cabrera fait remarquer que « ce qui se passe peut être gravissime pour certains », souvent d'ailleurs à leur insu.
Dans ce brouillard, le nouveau directeur de la Cnam peine à évaluer l'impact financier réel des mesures d'accompagnement envisagées jusqu'ici. D'où la proposition unanime des syndicats médicaux de nommer « des médecins sentinelles » chargés de fournir des indicateurs plus individualisés pendant une période de double codage.
Cette contrainte technique est susceptible de retarder une fois de plus la mise en place de la Ccam, alors même qu'une course contre la montre est engagée pour finaliser une nouvelle convention avant la fin de l'année. En effet, fait remarquer le Dr Chassang, « si la Ccam n'est pas bordée, cela va plomber la négociation conventionnelle ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature