L'ACTION BENEFIQUE des estrogènes sur les fonctions cognitives des femmes ménopausées est connue. En effet, alors qu'une privation brutale d'estrogènes après castration chirurgicale entraîne un déclin de la mémoire associative et verbale, celle-ci est améliorée par l'administration d'estrogènes. Ces données ont incité à étudier les éventuels effets des estrogènes sur le développement de la maladie d'Alzheimer (MA).
Effet cognitif positif.
L'évaluation des effets du THS sur la mémoire et la cognition des femmes non ménopausées et non démentes dans 42 études (1) montre qu'un grand nombre de travaux donnent des résultats significatifs en faveur du THS ; leur nombre dépasse d'ailleurs très nettement les études apportant de meilleurs résultats avec le placebo.
En outre, au cours des vingt dernières années, le THS était conseillé aux femmes à la ménopause et un grand nombre d'entre elles ont été traitées pendant plusieurs années. Des études de prévention primaire ont donc pu rechercher si le THS était lié à un moindre risque de MA chez les femmes âgées. Les premières études montraient une diminution du risque chez les femmes traitées par THS. En outre, dans une métaanalyse incluant dix études dont huit études-cas et deux études prospectives observationnelles (2), le risque de MA était réduit de 29 %chez les femmes traitées.
Durée du THS.
Dans l'étude prospective de population Cache Study (3), qui a étudié l'effet du THS sur l'incidence de la MA chez les femmes de plus de 65 ans, la durée du THS était significativement liée à la réduction du risque de MA. Cependant, cet effet n'était significatif que pour les femmes dont le THS était ancien, mais pas pour celles en cours de traitement. Le risque était divisé par 5 lorsque le THS avait duré dix ans et qu'il était précoce dès la ménopause. Après dix ans de THS, le risque était identique pour les deux sexes. Ainsi, apparaît une nouvelle donnée importante : le THS serait surtout bénéfique au moment de la ménopause quand la déplétion en estrogènes a potentiellement les effets les plus délétères sur les neurones alors que cette action s'atténuerait quelques années après. Ces résultats sont concordants avec ceux des études antérieures et sont donc en faveur d'un rôle protecteur du THS qui divise globalement le risque de MA par 2. Le rôle neuroprotecteur est d'autant plus efficace que le traitement est appliqué longtemps avant l'apparition de signes cliniques de la MA.
Mais ces études observationnelles ne sont pas exemptes de biais car les femmes qui prennent un THS constituent une population dont les comportements diminuent le risque de MA.
Les études prospectives contrôlées obligent à pondérer ces résultats. Ceux, récents, de la Women's Health Initiative Memory Study (WHIMS) - étude ancillaire de l'essai contrôlé de thérapie hormonale Women Health Initiative (WHI) - ont montré que le traitement n'améliorait pas les fonctions cognitives (4). L'incidence de la démence était deux fois plus importante chez les femmes sous traitement hormonal : 40 cas dans le groupe traité contre 21 cas dans le groupe non traité, ce qui équivaut à 23 cas supplémentaires pour 10 000 personnes traitées.
Ces résultats étaient assez inattendus après ceux des études précédentes. Toutefois, dans l'étude WHIMS, les cas de démence apparaissaient dès la première année. Le rôle des AVC asymptomatiques, plus fréquents dans le groupe traité par estroprogestatifs a été évoqué, les lésions vasculaires aggravant les lésions neurodégénératives.
Tester les estrogènes seuls.
Enfin, la majorité des études ne dissocie pas les effets des estrogènes de ceux des progestatifs associés. Dans une étude observationnelle (5) concernant les femmes qui prenaient seulement des estrogènes, il a été observé une légère amélioration des fonctions cognitives alors qu'un déclin cognitif était noté chez celles qui avaient un traitement estroprogestatif.
Les résultats du bras WHIMS concernant les femmes prenant seulement des estrogènes purs sont attendus et nous éclaireront sur le sujet.
En conclusion : s'il est actuellement exclu de recommander un THS pour protéger de la maladie d'Alzheimer, il est possible qu'un traitement à base d'estrogènes soit bénéfique au moment de la ménopause lors de la chute des estrogènes, pour éviter cette privation brutale qui pourrait avoir des effets délétères, y compris sur les fonctions cognitives. La durée et les doses optimales du traitement doivent être précisées. Des études doivent être réalisées pour préciser les effets protecteurs des estrogènes seuls au moment de la ménopause.
D'après un entretien avec le Pr Florence Pasquier, CHRU de Lille.
(1) Zec RF et al. The effects of estrogen replacement therapy on neuropsychological functionning in post menopausal women with and without dementia a critical and theoritical review. Neuropsychol Rev 2002; 2 : 65-109.
(2 )Yaffe K et al.Estrogen therapy in postmenopausal women: effects on cognitive function and dementia . JAMA 1998 ; 278 : 688-695.
(3) Zandi PP et al.
Hormone replacement therapy and the incidence of Alzheimr disease in older women . The Cache County Study . J Am Med Assoc 2002; 58 :209-219.
(4)Rapp SR et al. Effect of estrogen plus progestin on global cognitve function in post menopausal women. JAMA 2003 ; 283 : 1007-1015.
(5) Rice MM et al. Postmenopausal estrogen and estrogen progestin use and 2-year rate of cognitive change in a cohort of older Japanese American women:The Kane Project. Arch Intern Med 2000;160 :1641-1649.
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