De nombreux traitements anticancéreux ont une action cardiotoxique, en premier lieu les anthracyclines et la radiothérapie. La surveillance attentive, notamment échographique, des malades sous traitement et des patients guéris est indispensable afin de prévenir l'apparition de cardiomyopathies sévères.
AVEC l'augmentation globale du taux de survie, le problème de la cardiotoxicité à long terme des traitements anticancéreux prend aujourd'hui une importance majeure dans le suivi des patients. Les types de cardiotoxicité sont nombreux, expliquant la complexité de la prise en charge. La radiothérapie est une cause importante de complications cardiaques aiguës, mais surtout retardées, et touche toutes les tuniques du coeur, ainsi que les coronaires. Beaucoup de malades guéris de lymphome ou de cancer du sein présentent, dans les sept à dix ans après une irradiation thoracique, des constrictions myocardiques, un épaississement péricardique ou une coronarite. Parmi les chimiothérapies anticancéreuses, la liste des molécules cardiotoxiques est longue. Au premier rang, il faut citer les anthracyclines, le 5-FU, le cyclophosphamide ou encore le trastuzumab. Mais de nombreuses autres molécules sont à considérer : méthotrexate, agents tubulo-affines (vincristine, vinblastine, taxanes), bléomycine, inhibiteurs de TOPO II (VP-16, mitoxantrone), et également estrogènes, interférons, IL2 ou antiangiogéniques…
Le 5-FU provoque des troubles du rythme immédiats, des spasmes coronaires retardés de 24 à 48 h et parfois des insuffisances cardiaques par sidération myocardique ou des hypotensions réfractaires au remplissage. La toxicité cardiaque précoce des anthracyclines se traduit essentiellement par des troubles du rythme ou de la conduction, une vasoconstriction des coronaires et parfois une dysfonction ventriculaire gauche. Tardivement, les anthracyclines entraînent des signes cliniques d'insuffisance cardiaque dans 1 à 5 % des cas et une atteinte asymptomatique de la fonction ventriculaire gauche dans 5 à 20 % des cas. La cardiomyopathie aux anthracyclines fait partie des insuffisances cardiaques les plus sévères avec une mortalité importante. La toxicité est parfois très retardée par rapport à l'exposition au produit. Elle est cumulative, dose-dépendante et irréversible. Il existe une potentialisation des effets toxiques par l'irradiation médiastinale ou par d'autres produits comme le trastuzumab.
Une surveillance échographique régulière.
Un bilan cardiologique complet est désormais indispensable chez tous les patients avant initiation du traitement et tout au long du suivi. La recherche de facteurs de risque (âge < 15 ans ou > 70 ans, sexe féminin, HTA, existence d'une cardiopathie préexistante, radiothérapie médiastinale) permet de dépister les patients à risque de cardiomyopathie. La fraction d'éjection du ventricule gauche (FEVG) isotopique, traditionnellement utilisée pour la surveillance des patients sous anthracyclines, n'est plus l'examen de référence. En effet, l'échographie Doppler cardiaque, en permettant un bilan complet de la fonction systolique et diastolique, est plus adaptée.
De nombreux examens pourraient être utiles pour déceler une atteinte myocardique infraclinique, alors même que la FEVG est encore normale, mais ne sont pas encore de pratique courante et nécessitent d'être validés dans de larges séries. Il en est ainsi de paramètres échographiques dérivés du Doppler tissulaire, de l'index de performance myocardique, de l'échocardiographie de stress ou d'effort, mais aussi de marqueurs biologiques. Les dosages du BNP, marqueur d'étirement cellulaire, et de la troponine, marqueur de mort cellulaire, peuvent être facilement répétés, avec une haute valeur prédictive négative. Une élévation persistante de la troponine après perfusion d'anthracyclines serait prédictive d'une dysfonction ventriculaire gauche et permettrait de dépister les patients à haut risque.
Le scanner et l'IRM cardiaques, encore peu développés en France, sont également des techniques prometteuses, pouvant apporter une aide importante dans le bilan des atteintes péricardiques. L'IRM est une méthode très compétitive dans la détection des cardiopathies ischémiques, mais elle reste actuellement du domaine de la recherche concernant les toxicités myocardiques.
Traitements préventifs et curatifs.
Des mesures préventives existent chez les patients à risque sous anthracyclines. En cas de FEVG altérée avant traitement, la surveillance échographique du patient doit être rapprochée, éventuellement avant chaque cure, quelle que soit la dose cumulée. La perfusion intraveineuse continue plutôt qu'en bolus est recommandée. L'utilisation de formes liposomales moins cardiotoxiques, pégylées ou non, peut être envisagée, ainsi que le recours à un cardioprotecteur comme le dexrazoxane (Cardioxane). En revanche, l'évaluation de traitement préventif par IEC, bêtabloquants ou antioxydants n'en est qu'au stade expérimental.
En cas de doute sur l'altération débutante de la fonction ventriculaire gauche, la discussion du rapport bénéfice/risque pour le patient et de la nécessité d'arrêter la chimiothérapie devra se faire au cas par cas, entre le cardiologue et le cancérologue. Devant une cardiomyopathie avérée aux anthracyclines, le traitement est une quadrithérapie associant IEC, bêtabloquants, diurétiques et antialdostérones. Cette association thérapeutique a permis de faire chuter la mortalité à 1 an, de plus de 15 % sous diurétiques seuls à 5 % sous quadrithérapie.
D'après la session « RISCC - cardiotoxicité : sa prédiction, sa prévention et son traitement », avec la participation du Dr François Pein (centre René-Gauducheau, Nantes), du Dr Stéphane Ederhy (hôpital Saint-Antoine, Paris), du Pr Elie Mousseaux (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris) et du Pr Alain Cohen-Solal (hôpital Lariboisière, Paris).
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