LE NOM de certaines villes colle à la peau des mouvements picturaux qui y ont vu le jour. La Renaissance et Florence. La Sécession et Vienne. L’Action Painting et New York. De même l’impressionnisme et Rouen. Ce n’est sans doute pas un hasard si les artistes attirés par ce mouvement qui libérait la peinture de sa rigidité et privilégiait la sensation, trouvèrent dans cette ville et ses environs un cadre idéal pour leur création. Le climat changeant de Rouen, sa lumière tantôt douce, tantôt aveuglante, sa cathédrale, l’animation de ses rues, de ses quais, de son port, de ses places, avaient et ont gardé une qualité et un charme particuliers.
Le musée des Beaux-Arts de Rouen, qui détient la première collection impressionniste de France hors de Paris, accueille actuellement une belle exposition composée d’une centaine d’œuvres provenant de son propre fonds mais également de nombreuses autres institutions internationales, qui retrace l’aventure de l’impressionnisme dans la capitale normande. Les précurseurs William Turner et Paul Huet y figurent en bonne place. On remarquera du premier deux somptueuses aquarelles (vers 1832), paysages éblouissants d’où surgit la cathédrale, et du second, une « Vue générale de Rouen, prise du Mont-aux-Malades » (1831) et son ciel tourmenté. Puis viennent les paysages fluviaux du hollandais Johan-Barthold Jongkind, qui fut particulièrement sensible aux lumières et aux atmosphères de la Seine, tout comme Claude Monet et ses recherches « aquatiques ».
Confrontations.
Les rivages paisibles de la ville inspirèrent également Pissarro, qui arriva à Rouen en 1883 et n’eut de cesse de peindre la Seine, nuageuse, lumineuse, brumeuse, voilée ou dorée, depuis les chambres des hôtels où il résida. Il y peignit également, outre des vues de la vielle ville, des chefs-d’œuvre fondateurs du paysage urbain moderne. Quant au grand Gauguin, dont on connaît surtout la production de Tahiti et de Pont-Aven, il peint la ville dans des tons verdoyants et en livre une vision de paradis terrestre, en prodiguant à la couleur un pouvoir expressif, rarement atteint par d’autres peintres, qu’ils fussent précurseurs ou suiveurs. Les magistrales « Cathédrales » de Monet sont là, triomphantes. Onze d’entre elles sont réunies ici et traduisent l’opposition ou la fusion entre le jour et la nuit, le clair et l’opaque, l’éclat et la noirceur. Sublime leçon.
L’intérêt de l’exposition réside également dans la confrontation entre les artistes locaux (ceux appartenant à l’École de Rouen et qu’on appela « les mousquetaires » et les grands maîtres : aux côtés de celles de Pissarro, sont ainsi accrochées des toiles de Charles Angrand (superbe Pont de pierre de 1881), Joseph Delattre, Léon-Jules Lemaître, Charles Frechon…
Au tournant du siècle, alors que les derniers feux de l’impressionnisme s’éteignent, Eugène Boudin, Albert Lebourg, Antoine Pinchon, Maurice Denis ou Armand Guillaumin viennent encore à Rouen pour capter sur leurs toiles cette atmosphère si particulière.
Musée des Beaux-Arts, Esplanade Marcel Duchamp, tél. 02.35.71.28.40. Tlj sauf mardi, de 9 à 19 heures (mer. de 11 à 19 heures, jeu. et sam. jusqu’à 22 heures). Jusqu’au 26 septembre. Catalogue, Skira/Flammarion, 472 pages, 39 euros.
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