Disparition en position couchée
La définition de la camptocormie est clinique : antéflexion du rachis dorsolombaire de plus de 45° survenant en position debout, augmentant au fur et à mesure de la marche, en grande partie ou totalement réductible, disparaissant en position couchée (photo). On associe souvent camptocormie et tête tombante. Elle a été décrite comme syndrome de conversion hystérique pour la première fois par Brodie en 1818 puis chez les soldats dans les tranchées pendant la guerre 1914-1918. Les rhumatologues ont décrit une myosite focale mais qui est remise en question actuellement avec les progrès des examens complémentaires. Les neurologues décrivent la camptocormie surtout dans la maladie de Parkinson. Les progrès en myologie permettent de découvrir des myopathies de révélation tardive à prédominance axiale. Nous avons montré l'importance de l'association à une pathologie dégénérative déséquilibrante du rachis.
Classification étiologique actuelle des camptocormies
1) Causes centrales
Ce sont les syndromes extrapyramidaux : le plus souvent maladie de Parkinson pure akinéto-hypertonique, moins souvent avec tremblement, atrophie multisystématisée associant un syndrome extrapyramidal atypique résistant à la L Dopa avec des signes associés (dysautonomie, troubles sphinctériens, dysphonie, signes pyramidaux, cérébelleux et troubles du sommeil), maladie à corps de Lewy (syndrome extrapyramidal associé à une démence sous corticale et à des hallucinations visuelles et/ou auditives). A ne pas oublier, les syndromes extrapyramidaux ou dystonies secondaires aux neuroleptiques et se méfier des neuroleptiques cachés (aceprométazine, métoclopramide, métopimazine, véralipride).
Les neurologues décrivent une dystonie axiale primaire ou associée à la maladie de Parkinson.
2) Causes périphériques
Myasthénie (parfois associée à une myopathie cortisonique), polymyosite, myosite focale (?), myopathies métaboliques (déficit en carnitine, déficit en maltase acide, hyperparathyroïdie, hypothyroïdie, déficit vitamine D), myopathies congénitales et dystrophies (myopathie de Bethlem, laminopathie, myopathie à bâtonnet avec gammapathie monoclonale, Steinert, amylose, Promm, myopathie fascio-scapulo-humérale, sclérose latérale amyotrophique, CIDP polyradiculonévrite chronique démyélinisante...
3) Cause psychiatrique
On décrit une camptocormie hystérique.
Pathologies déséquilibrantes du rachis après 50 ans.
Elles entraînent un déplacement antérieur des centres de masse du tronc, lié à une perte de la lordose lombaire.
Ce sont :
- la scoliose « dégénérative » évolutive après 50 ans avec dislocation. Une dislocation est un glissement de 2 vertèbres adjacentes visible sur une radiographie du rachis lombaire de face (photo).
- les cyphoses lombaire et thoracolombaire : cyphose lombaire dégénérative liée à des lésions arthrosiques discoarticulaires étagées, cyphose lombaire par tassements vertébraux.
A différentier du canal lombaire étroit responsable d'une cyphose qui est en fait antalgique.
- Les complications de la chirurgie du rachis par déstabilisation secondaire du rachis lombaire (ex laminectomie sur scoliose préexistante et/ou sur dislocation) ou par arthrodèse vertébrale ne respectant pas les règles de l'équilibre sagittal du rachis (spondylolisthésis, canal lombaire étroit, scoliose).
- La pathologie coxo-fémorale pouvant retentir sur le rachis par perte de l'extension.
Physiopathologie : elle est mal connue.
Elle a été étudiée surtout dans la maladie de Parkinson : la maladie de Parkinson avec camptocormie est-elle différente de la maladie de Parkinson sans camptocormie ? Les avis divergent : forme d'évolution tardive, forme dystonique ? On connaît les mauvais résultats de la chirurgie du rachis chez le Parkinsonien (Babat a décrit 86 % de réinterventions !).
Nous pensons ainsi que d'autres auteurs (Lepoutre, Azher) qu'il existe une cause rachidienne favorisante. Notre hypothèse qui repose sur une étude personnelle est qu'il existe souvent 2 pathologies qui se décompensent l'une l'autre entre : d'une part une pathologie dégénérative déséquilibrante du rachis et d'autre part un trouble du tonus (syndrome extrapyramidal) ou une perte musculaire (myopathie, myasthénie, perte musculaire lors d'un amaigrissement sévère et rapide chez un sujet âgé) qui empêche la rééquilibration par les muscles extenseurs. Cette conjonction de phénomènes correspond à 84 % des cas dans notre série (27/32 patients).
En pratique
En pratique, devant une camptocormie, on préconise :
- une consultation avec un neurologue,
- une consultation avec un spécialiste des troubles de la statique du rachis,
- des radiographies du rachis « full-spine » face et profil, debout et couché,
- un bilan biologique : bilan phosphocalcique, dosage de la vitamine D, de la parathormone, de la créatinine phosphokinase, numération formule sanguine, vitesse de sédimentation, C réactive protéine, TSH, électrophorèse des protides.
- EMG complet sauf en cas d'étiologie extrapyramidale.
Et selon les résultats : maltase acide, carnitine, examen génétique, biopsie musculaire en service spécialisé.
Traitement
Le traitement est souvent difficile et décevant. On traite la cause, en particulier métabolique. Le traitement par L Dopa est le plus souvent décevant sur la camptocormie. La rééducation est indispensable à condition qu'elle soit faite individuellement avec des séances d'au moins une demi heure trois fois par semaine. Il est souvent souhaitable de commencer par une rééducation dans un service spécialisé avant de mettre en place un corset. Le corset est souvent la seule solution : corset difficile à faire nécessitant la coopération de l'appareilleur et du médecin à toutes les phases d'élaboration puis après. Ces corsets sont en polyéthylène avec des appuis hauts en préthoracique (photo). Les corsets courts étant dans la majorité des cas inefficaces, le patient « s'effondrant » par dessus.
Le traitement préventif est essentiel :
1) détecter et traiter tôt une pathologie dégénérative déséquilibrante du rachis et de la coxo-fémorale chez un parkinsonien connu ;
2) être très prudent dans les indications chirurgicales de chirurgie du rachis chez le parkinsonien, éviter les laminectomies sur scoliose et/ou dislocation, respecter les règles de l'équilibre sagittal en cas d'arthrodèse rachidienne.
Il existe encore de nombreuses interrogations et des travaux de recherche en multidisciplinaire sont en cours.
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