A l'aube de 2002, le président de la République a exprimé le souhait que la campagne électorale se déroule à l'abri des querelles stériles et le Premier ministre lui a fait écho en formant le vœu d'un débat politique conduit dans la clarté.
Ces belles déclarations d'intention ont été accueillies par le scepticisme. Il n'a pas fallu vingt-quatre heures pour qu'éclate une nouvelle affaire sombre et compliquée. Voici l'histoire : les otages français détenus au Liban auraient été libérés en 1988 contre une très forte rançon (entre 3 et 6 millions de dollars). Mais sur cette somme, l'épouse de Jean-Charles Marchiani - le préfet qui a mené à bien l'opération de libération des otages - aurait prélevé un pourcentage, ainsi qu'une collaboratrice de Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de Jacques Chirac. Les deux femmes ont été mises en examen sur la foi d'une note dite « blanche » (sans en-tête) que la DST a adressée au procureur de la République.
Comment croire à cette histoire ? Premièrement, M. Pasqua a toujours nié avoir payé une rançon, ce qu'il a répété avec force à la suite du nouveau scandale. La DST fait état de virements en Suisse au nom des deux dames impliquées. Mais le fait même qu'elle n'ait pas clairement engagé sa responsabilité dans cette « révélation » implique que le gouvernement de M. Jospin devait obligatoirement être au courant de la transmission de la note.
Deuxièmement, les faits remontant à près de quatorze ans, il y a sans doute prescription. En outre, la juge qui a procédé aux mises en examen devra tôt ou tard se désaisir du dossier au profit de la Haute Cour de justice, puisqu'un ancien ministre est cité dans l'affaire.
Ce qui saute aux yeux, c'est que la révélation prend davantage de sens dans le contexte préélectoral que du point de vue judiciaire ; et on n'est pas étonné de ce que MM. Pasqua et Marchiani rejettent en bloc les accusations dont ils font l'objet. Ils ne doutent pas que « quelqu'un » (le PS ou Matignon) veuille porter un coup à la popularité de M. Chirac.
Interrogé sur le sujet, François Bayrou, candidat UDF à la présidence, affirme qu'il existe des « officines » spécialisées dans le montage des coups tordus. On a beaucoup de mal à se faire une opinion, mais on ressent un malaise qui ne tourne pas à l'avantage de la majorité. Si elle tente de discréditer Chirac, elle va obtenir l'effet inverse. Car les Français sont saturés de scandales politiques et ne sont pas prêts à admettre, avant d'avoir obtenu des preuves formelles, que la terrible épreuve des otages français du Liban ait pu aiguiser de sordides appétits pécuniaires dans les rouages de l'Etat. Aussi, avant que l'affaire fût révélée, il aurait été judicieux, de la part de la justice, de progresser dans le recueil des preuves. L'accusation dont le clan Pasqua fait l'objet est répugnante si elle est fausse ; si elle est confirmée, elle salit irrémédiablement les personnes citées. Au risque de paraître naïf, on ne se résout pas à croire cette histoire.
En attendant, elle empoisonne elle aussi un climat électoral qui était déjà sombre. Elle enfonce un peu plus le monde politique dans le cloaque où il ne cesse de patauger. Le sentiment national qui risque de prédominer peut se résumer en quelques mots : on en a marre, des accusateurs et des accusés.
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