L'ÉQUIPE « Oncogènes et différenciation hématopoïétique », à l'Institut Curie (UMR 146 Cnrs), Paris, dirigée par Jacques Ghysdael, étudie les différentes formes de leucémies et les mécanismes cellulaires qui conduisent à leur développement. Elle étudie plus particulièrement le comportement de la calcineurine, une enzyme (sérine/thréonine phosphatase, activée par le calcium) essentielle dans de nombreux processus développementaux, que ce soit dans les systèmes cardio-vasculaire, nerveux ou immunitaire. Au sein du système immunitaire, la calcineurine participe au développement des lymphocytes B et T et intervient dans l'activation de ces cellules au cours de la réponse immunitaire.
La calcineurine, une fois activée, déclenche la prolifération des lymphocytes T par l'intermédiaire de la production d'un facteur de croissance lymphocytaire (l'interleukine 2).
Dans les lymphomes humains à cellules T et B.
L'équipe française a constaté que la calcineurine est impliquée dans le processus tumoral. «Nous avons observé une activation importante de la calcineurine dans les lymphomes humains à cellulesT et B. Ainsi que dans tous les modèles de tumeurs malignes lymphoïdes analysés chez des souris.»
Or, si la calcineurine soulève autant l'intérêt des chercheurs, c'est aussi parce qu'ils ont montré que son activité est inhibée par deux immunosuppresseurs utilisés en clinique pour traiter le rejet des greffes d'organes : la cyclosporine et le FK506.
Ce sont des modèles de souris qui ont servi aux chercheurs pour poursuivre leur travail. Ils ont donné de la cyclosporine ou du FK506 à deux modèles murins de leucémies lymphoblastiques pertinents pour l'étude humaine. Ils observent des résultats positifs. D'abord une inhibition de l'activité de la calcineurine. Ensuite une apoptose des cellules leucémiques avec un engagement rapide dans un processus de réduction de la masse tumorale. Enfin, un allongement de la durée de vie des animaux malades.
Une contre-expérience est réalisée avec des animaux dont le génotype favorise une surexpression de la calcineurine. La progression des leucémies est plus rapide dans ce cas, ce qui confirme le rôle de l'enzyme dans la participation à la tumorogenèse des lymphomes.
J. Ghysdael et coll. ont étudié l'effet de la cyclosporine, in vitro, sur des lignées cellulaires de lymphomes et de leucémies humaines. L'effet proapoptotique se confirme.
La calcineurine représente donc une cible thérapeutique potentielle contre les lymphomes, en déduisent les chercheurs. Mais il existe encore un certain nombre d'obstacles à surmonter.
Des protocoles pour le recueil des échantillons.
Les données précliniques que les chercheurs publient dans « Nature Medicine » représentent une analyse complète de l'activation de la calcineurine dans les maladies malignes lymhoïdes humaines. Mais, auparavant, soulignent-ils, il faut mettre au point des protocoles spécifiques pour le recueil des échantillons, «étant donné que l'inactivation de la calcineurine intervient très rapidement lorsque les tumeurs sont explantées de leur contexte vivant». Un certain nombre de leucémies et de lymphomes ne sont que partiellement sensibles aux traitements en cours.
Des études cliniques associant les inhibiteurs que l'on connaît de la calcineurine aux chimiothérapies conventionnelles, en traitements combinés, séquentiels ou alternés, devraient être entreprises rapidement, soulignent les chercheurs, «tout au moins dans les sous-types moléculaires où l'activation de la calcineurine peut être démontrée».
« Nature Medicine », vol. 13, n° 6, juin 2007.
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