LE Dr L. EST MÉDECIN généraliste dans le Morbihan et, comme une bonne part de ses confrères, il télétransmet les feuilles de soins de ses patients à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de son département.
À la fin du mois de juillet, le Dr L. reçoit un courrier de la CPAM l'informant qu'un «contrôle des factures remboursées fait apparaître des règlements multiples concernant des prestations» qu'il a dispensées. En clair, suite à des erreurs de manipulation, il aurait envoyé plusieurs fois la même feuille de soins lors de certaines consultations, occasionnant pour ces mêmes consultations des doublons de remboursement aux patients.
Mais alors que le médecin se défend de son honnêteté dans cette affaire, la caisse lui demande néanmoins le remboursement de ces sommes indûment versées, pour un montant total de 999,80 euros, correspondant au total des erreurs constatées tout au long de l'année 2007. La caisse précise d'ailleurs dans son courrier au médecin que, «en l'absence de remboursement ou de réponse de sa part, cette somme sera retenue sur les paiements effectués à compter du 25août 2008». Depuis, le Dr L. a cependant obtenu un sursis de la caisse qui l'a informé par courrier électronique que le délai de remboursement de la somme était reporté à la fin du mois de septembre.
Consigne nationale ou pas ?
Dans ce même département du Morbihan, le Dr Philippe Le Rouzo est responsable FMF ainsi que membre de l'URML (union régionale des médecins libéraux). Pour lui, il ne s'agit évidemment que d'une «étourderie» de ce confrère, qui n'est d'ailleurs pas seul dans ce cas puisque, selon lui, 25 médecins libéraux du Morbihan auraient reçu le même type de courrier. Mais Philippe Le Rouzo n'est pas tendre pour la CPAM : «Quand il s'agit d'une erreur concernant un tiers payant (avec donc remboursement au médecin et non pas au patient), la caisse appelle systématiquement le médecin dans les trois jours.» Le Dr Le Rouzo se demande en conséquence pourquoi il n'en va pas de même pour les autres patients ne disposant pas du tiers payant. Selon lui, «les caisses savent très bien récupérer l'argent auprès des patients quand il le faut». Si bien que la religion du Dr Le Rouzo est faite : «Je pense qu'il ne s'agit pas d'une action isolée de la CPAM du Morbihan, mais d'une consigne nationale, d'un test pour tenter de mettre au pas les médecins.»
À la caisse primaire du Morbihan, la tonalité est bien différente. Son directeur, Mohamed Azgag, indique tout d'abord au « Quotidien » qu'il s'agit «d'une procédure classique mise en place depuis des années dans toutes les caisses», et non d'une procédure exceptionnelle. Ainsi, selon Mohamed Azgag, chaque année, la caisse entreprend un travail de repérage des doublons, «voire des triplons», et demande au médecin de rembourser les sommes indûment versées. Mais pourquoi demander au médecin le remboursement de sommes qui ont le plus souvent (sauf en cas de tiers payant) été encaissées par le patient ? Pour le directeur de la caisse primaire, l'article L.133-4 du code de la Sécurité sociale est très clair sur ce point. Cet article stipule, selon lui, que «c'est la personne à l'origine du double paiement qui doit rembourser», qu'il les ait ou non encaissées. Le directeur de la caisse ajoute à ce propos que ces demandes de remboursement ont de plus une vertu pédagogique en attirant l'attention du médecin sur la bonne manière de télétransmettre.
Kinés et biologistes aussi.
Mohamed Azgag récuse par ailleurs les propos du Dr Le Rouzo quand il assure que, lorsqu'il y a doublon pour une feuille de soin relative à un patient en tiers payant, la caisse l'en informe très rapidement. Pour Mohamed Azgag, en effet, une telle procédure mettrait en péril le principe du remboursement des patients en sept jours, et il assure que les contrôles ne se font qu' a posteriori. De plus, ajoute-t-il, les médecins chez qui ont été constatées des erreurs inférieures à 50 euros n'ont pas été redressés. En revanche, Mohamed Azgag indique qu'un médecin du Morbihan est responsable à lui seul de 3 440 euros de remboursements indus.
Enfin, le responsable local de l'assurance-maladie relativise la portée de ces actions : «Dans le Morbihan, nous effectuons 11millions de remboursementschaque année, et le total des sommes remboursées par erreur, suite à des erreurs de télétransmission, n'est que de 24111euros.»
Les médecins ne sont d'ailleurs pas les seuls visés par cette affaire dans le Morbihan. Les kinés se sont vu réclamer des remboursements pour un total de 63 462 euros, les laboratoires d'analyseS, pour un total de 10 000 euros, et les infirmières, pour près de 90 000 euros.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature