L'ASSURANCE-MALADIE a déjà sonné l'heure de la maîtrise médicalisée à l'hôpital en 2006. Mais cette année, elle est bien décidée à passer à la vitesse supérieure pour rationaliser les dépenses du secteur. L'enjeu est de taille puisque les remboursements liés à l'hospitalisation publique et privée représentent environ 63,7 milliards d'euros (contre 53,4 milliards en 2000), soit 45 % des dépenses dans le champ de l'Ondam (Objectif national annuel de dépenses d'assurance-maladie, fixé par le Parlement).
Le plan de maîtrise 2007 concocté par la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) vise à harmoniser les pratiques des établissements autour de trois axes. Tout d'abord, la Cnam veut «informer et accompagner» hôpitaux et cliniques dans la mise en oeuvre de la tarification à l'activité(T2A, qui porte sur 25,5 milliards d'euros, soit 40 % des dépenses) afin de contrer les dérapages de cette réforme tarifaire (1). La Cnam entend aussi «améliorer l'efficience du système de soins», en limitant les hospitalisations au strict nécessaire. Enfin, elle va mieux encadrer les prescriptions hospitalières délivrées en ville.
Chère T2A
Il y a deux ans, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) pressentait déjà que la T2A comportait «des risques inflationnistes incontestables» (« le Quotidien » du 12 décembre 2005). La Cnam fait le même constat. «La T2A a accru les incitations au changement de pratiques, c'est l'un de ses effets pervers», a reconnu Jean-Marc Aubert, son directeur délégué à l'organisation et à la gestion des soins, lors du point de conjoncture mensuel de la caisse. Ainsi, la Cnam observe parfois une flambée de certains GHM (groupes homogènes de malades) codés pour des patients « lourds » et donc assortis des suppléments de facturation propres aux séjours avec comorbités associées (CMA/Cmas). Selon la Cnam, la proportion de ces séjours codés CMA/Cmas (qui coûtent en moyenne deux fois plus cher) varie anormalement selon les départements en 2005 : de 11 % (Doubs) à 39 % (Aude, Deux-Sèvres, Lozère) dans les cliniques privées, et de 22 % (Territoire de Belfort) à 44 % (Charente, Creuse) dans les établissements publics. La Cnam estime à «200 millions d'euros» le gisement d'économies potentielles, «si les établissements facturant une proportion importante de GHS codés CMA/Cmas rejoignaient la moyenne nationale». «Dès le mois d'avril», l'assurance-maladie va donc leur rendre visite «pour rappeler les règles de la T2A», a annoncé Jean-Marc Aubert.
En 2006, la Cnam avait détecté dans 411 hôpitaux et cliniques des surfacturations d'un montant total de «50millions d'euros», révisé ensuite à «35millions». En 2007, «un décret permet (à l'assurance-maladie) d'aller plus loin que la récupération d'indus», souligne le responsable de l'organisation et de la gestion des soins. En cas de fraude avérée, les établissements peuvent payer «des pénalités allant jusqu'à 5% de leur chiffre d'affaires», a-t-il averti.
Chirurgie ambulatoire et actes frontières
La Cnam veut limiter le nombre d'hospitalisations complètes inutiles, notamment en développant de manière «plus volontariste» la chirurgie ambulatoire. Si celle-ci a progressé ces dernières années, la France reste à la traîne des autres pays européens en la matière. La chirurgie ambulatoire est pratiquée dans seulement 43 % des cas (pour une liste de 18 gestes marqueurs) et ne représente que la moitié des cinq interventions les plus fréquentes (voir tableau). «On est loin du taux de 85% de chirurgie ambulatoire prévu en 2008» pour les 18 gestes marqueurs, a regretté Jean-Marc Aubert.
En outre, la caisse relève que le taux de recours à la chirurgie ambulatoire varie beaucoup selon les spécialités chirurgicales, selon les actes à l'intérieur d'une même spécialité, et selon les régions (l'Auvergne, la Champagne-Ardenne et la Franche-Comté enregistrant «les taux les plus faibles»). De plus, les établissements publics n'utilisent pas autant cette alternative à l'hospitalisation que les cliniques privées : sur les 18 actes suivis, le taux de chirurgie ambulatoire s'élève à 33 % en moyenne à l'hôpital, contre 46 % pour les cliniques.
Au second semestre 2007, l'assurance-maladie va donc lancer «un programme de sensibilisation» aux avantages de la chirurgie ambulatoire (moindres risques d'infection nosocomiale, convalescence plus courte…), auprès des commissions médicales (CME) de 1 500 établissements, des médecins traitants et des assurés.
Par ailleurs, les directeurs de caisses primaires et les médecins-conseils profiteront de leurs visites dans les établissements pour faire le point sur la pratique des « actes frontières » qui devraient être réalisés plutôt en cabinet de ville (échographies, étude du champ visuel ou ablation de verrues par exemple).
La Cnam note en effet un essor important de l'hospitalisation de jour dans le secteur public, et en particulier dans les cliniques privées (entre + 7 % et + 23 % sur onze régions). Pour la caisse, la «forte corrélation entre l'augmentation des hospitalisations de jour et la baisse du montant des consultations externes» démontre un phénomène de «transfert des soins réalisés en ville vers l'hôpital».
Prescriptions encadrées
L'hôpital est censé maîtriser ses prescriptions délivrées en ville (9,1 milliards d'euros en 2006, en hausse de 23,6 % depuis 2003) en suivant six thèmes prioritaires partagés avec les médecins libéraux (2). Mais, si le principe est admis depuis janvier 2006, il semble plus difficile de passer de la théorie à la pratique. Un seul accord-cadre national a été signé l'an passé, visant une «baisse de 10% de la consommation d'antibiotiques sur trois ans, pour l'ensemble des établissements». En contrepartie, la Sécu «reversera aux hôpitaux 50% des économies réalisées». Deux autres accords-cadres, qui portent sur la promotion des génériques et les statines, sont «en cours de négociation», précise Jean-Marc Aubert. «En 2007, 70% des établissements doivent avoir conclu un contrat local sur au moins deux des six thématiques prioritaires, fixant des objectifs précis», affirme la Cnam.
Fin 2006, les caisses ont déjà rencontré les membres de CME de «plus de 700établissements» pour les inciter à modifier leurs habitudes de prescriptions. Les responsables des Cpam et les médecins-conseils reviendront faire un point d'étape et organiseront des «réunions avec les internes, les services les plus prescripteurs, les pharmacies à usage intérieur, mais aussi les professions paramédicales». L'assurance-maladie s'efforcera donc d'inculquer la maîtrise à l'hôpital à tous les étages.
(1) La T2A s'applique à 100 % sur l'activité MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) des cliniques, et elle représentait, en 2006, 35 % du budget des hôpitaux publics (qui est complété par une dotation de l'Etat).
(2) Antibiotiques, statines, génériques, règles de prise en charge des ALD, indemnités journalières, transports sanitaires.
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