Plusieurs centaines de professionnels de santé, médecins et non-médecins, ont reçu de la caisse primaire d'assurance-maladie (Cpam) de Paris une demande d'explication relative à des dépassements d'honoraires constatés. L'information est confirmée par la Cpam elle-même qui précise que la démarche va bien au-delà des médecins libéraux et touche l'ensemble des professionnels de santé libéraux parisiens.
A la Cpam, on indique qu'à la suite d'une enquête sur les pratiques tarifaires parisiennes, environ 1 700 comportements sujets à caution ont été repérés, allant du petit dépassement occasionnel à l'abus manifestement caractérisé.
Les professionnels de santé ont reçu chacun une lettre, simple demande d'explication pour les dépassements occasionnels, ou avis de déclenchement d'une procédure conventionnelle pouvant aller jusqu'à la sanction pour les cas les plus avérés.
Interrogé par « le Quotidien », Wilfred Smadja, directeur général adjoint de la Cpam de Paris, précise que les médecins généralistes ne sont pas, « et de loin », les principaux destinataires de ces courriers qui touchent l'ensemble des professionnels de santé : « Nous avons envoyé trois types de courrier ; cinq cents ont été expédiés à des professionnels qui ont une pratique raisonnable du dépassement d'honoraires, dans lequel nous nous sommes contentés de leur rappeler les règles d'usage. Ce courrier n'appelle pas de réponse.
Six cents autres courriers en recommandé avec accusé de réception ont été expédié à des professionnels pour lesquels des dépassements non justifiés ont été observés. Nous leur demandons de revenir à une pratique plus appropriée et nous les informons qu'ils feront l'objet d'une vérification ultérieure. Ces courriers appellent une réponse, nous leur demandons des explications.
Enfin, 600 autres courriers ont été adressés à des professionnels qui se trouvent d'ores et déjà dans une situation d'anormalité sanctionnable. Il s'agit également de courriers recommandés avec accusé de réception. Nous leur demandons de revenir immédiatement à des pratiques raisonnables, car il s'agit dans ces cas-là de pratiques aberrantes et de dépassements inacceptables. » Wilfred Smadja assure qu'il n'est pas question « de mettre le feu aux poudres, mais d'assainir un système de financement qui repose en grande partie sur la confiance ».
Plaintes contre la caisse ?
Inutile de dire que les courriers de la Cpam ont déclenché des réactions en chaîne. Pour le Dr Bernard Huynh, président de la Csmf 75, « la Cpam est au contraire en train de mettre le feu aux poudres. Contrairement à ce que ces courriers laissent entendre, les médecins ont droit au DE. Cette provocation constitue une volonté de créer des conditions peu propices aux prochaines négociations conventionnelles ». La Csmf a donc fait rédiger par des juristes un courrier type que les adhérents peuvent renvoyer à la Cpam en guise de réponse. Le président de l'Unof 75, le Dr José Clavero, envisage tout simplement de faire intenter par son syndicat une action en justice contre la Cpam : « Plus de la moitié des généralistes parisiens de secteur I ont reçu l'un des courriers. J'ai moi-même reçu un courrier recommandé de la Cpam : on me dit que j'ai effectué des surfacturations illégales qui lèsent gravement les assurés. Mais ce n'est pas argumenté, aucun argument juridique n'est développé, il s'agit d'un courrier type. »
Enfin, chez les masseurs-kinésithérapeutes, qui ont été nombreux à recevoir l'un des trois courriers de la Cpam, le ton n'est pas plus amène. Pour Jean-Paul David, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs, « les Cpam harcèlent les kinés dans toute la France parce que la profession refuse de signer un avenant conventionnel. Nous pensons qu'il y a là une tentative de chantage dont nous sommes victimes. La caisse est en train de jouer avec le feu ! Si les kinés ne s'occupent pas de la bronchiolite dans les prochaines semaines, ils vont voir ! »
Le président du conseil départemental de l'Ordre des médecins, le Dr Gérard Zeiger, a été reçu par William Gardey, président de la Cpam de Paris : « Les honoraires médicaux ne sont pas spécifiquement du ressort de l'Ordre, indique-t-il au "Quotidien", mais ils touchent directement à la qualité des soins, qui sont du ressort ordinal. Je veux dire aux médecins qui ont reçu ce type de courrier qu'ils n'ont qu'un mois pour réagir et que le silence serait la pire des réponses. » Le Dr Zeiger est bien conscient que ce type d'événements se situe à la marge de sa sphère de compétence, mais il précise : « Si on demandait à l'Ordre de Paris son avis sur les dépassements d'honoraires, nous répondrions qu'il faut donner aux médecins les moyens d'assurer la qualité des soins, nous ne sommes pas indifférents à leur situation. »
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