APRÈS AVOIR consulté, à deux reprises, au printemps dernier, les professionnels de la santé, les représentants d’institutions et des ministères, notamment l’Intérieur, les ordres des médecins et des pharmaciens, ainsi que l’assurance-maladie sur «le détournement de Subutex», la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) se prononce en faveur d’un reclassement de la buprénorphine haut dosage. De «plante vénéneuse», le produit deviendrait «stupéfiant», à l’instar de la méthadone ou de la morphine. Il appartient désormais à la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes (Cnsp), rattachée à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de rendre prochainement un avis en ce sens. Il devrait être suivi à la lettre par le ministère de la Santé, comme c’est le cas lorsque la Cnsp émet des propositions.
Protéger la valeur thérapeutique du médicament.
Il en va de «la protection de la valeur thérapeutique du Subutex, qui tend à envahir le marché de rue», explique-t-on à la Mildt. Sur 8 millions de boîtes de 7 comprimés, vendues chaque année au prix de 22 euros, de 25 à 30 % serviraient de «pompes à fric» à des revendeurs, selon l’expression du Dr Didier Jayle, président de la Mission. «Il convient d’être rigoureux», dit le Dr Jayle au « Quotidien ». En aucune manière, la prise en charge des 85 000 personnes sous Subutex ne sera modifiée. «L’objectif thérapeutique demeure.» «Son utilisation a permis d’arrêter l’épidémie de sida chez les toxicomanes, de limiter l’hépatiteC, de réduire les overdoses et de faire en sorte que les personnes dépendantes à l’héroïne totalement désinsérées puissent trouver un travail et retrouver des attaches familiales et une vie normale.» En revanche, un coup de frein devrait être porté au trafic.
Le Subutex figure parmi les 20 médicaments qui coûtent le plus cher à la Sécurité sociale. De leur côté, les caisses d’assurance-maladie ont accru leurs contrôles pour éviter les détournements et la multiplication des prescriptions. Actuellement, le médicament est délivré sur ordonnance sécurisée pour vingt-huit jours au maximum par un médecin.
La Mildt annonce «un allégement de la paperasserie» à laquelle sont soumis les pharmaciens en matière de délivrance de stupéfiants en général. Toutefois, les officines devront protéger leurs stocks et rendre compte des entrées et des sorties de boîtes de Subutex. Le généraliste, quant à lui, continuera à utiliser des ordonnances sécurisées.
La buprénorphine haut dosage, comme «stupéfiant», c’est d’autant plus nécessaire que les génériques vont arriver cette année sur le marché. Pour les détracteurs de la mesure, cela va multiplier les ventes hors remboursement et alimenter «les pompes à fric». Quoi qu’il en soit, le Dr Jayle reste serein. Il prépare deux séminaires européens consacrés à la cocaïne, pense aux états généraux sur l’alcool et attend beaucoup de 300 futures consultations cannabis et de 3 comités thérapeutiques (centres d’hébergement pour sortir de la dépendance).
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