Le Généraliste. Pourquoi la BPCO est-elle aussi mal repérée ?
Pr Isabelle Tillie-Leblond. L’essoufflement est insidieux et les patients s’y habituent en restreignant progressivement leurs activités. Le médecin n’est pas suffisamment sensibilisé de telle sorte qu’une déclaration de non-essoufflement leur paraît suffisante pour nier ce symptôme. Il devrait affiner l’estimation du souffle de ses patients par des questionnaires plus détaillés qui permettaient d’améliorer le dépistage de la BPCO. Le stéréotype du « tousseur cracheur » reste pénalisant. La BPCO a une définition fonctionnelle respiratoire, soit l’existence d’un syndrome obstructif non réversible qui reste à mieux connaître. Dès qu’un patient atteint 10 à 15 paquets-année, la mesure du souffle devrait être proposée beaucoup plus systématiquement. Une attitude plus volontariste pourrait faire changer les choses en évaluant la fonction respiratoire comme la mesure de la pression artérielle avec la possibilité de faire des explorations fonctionnelles moyennant un remboursement des actes.
Où en est-on dans le sevrage tabagique, qui est primordial dans la BPCO ?
Pr I. T.L. Le sevrage tabagique reste stationnaire dans ces taux de réussite. Il est de 30 à 40 %, aidé d’un traitement, mais l’élément clé est la motivation. Le tabac progresse chez les femmes jeunes, notamment pour ne pas prendre du poids. Or, elles deviennent assez vite des fumeuses chroniques et la dépendance s’installe. Nous ne sommes pas très bons pour faire arrêter le tabac chez ces jeunes filles. La menace d’un vieillissement cutané ne leur parle pas beaucoup mais on peut leur dire que c’est un facteur d’acné plus sévère pour les motiver. Il y a aussi, à l’adolescence, une notion de manque de liberté et d’appartenance à un groupe qui peut freiner à la mise en place du sevrage.
Que penser de la réhabilitation respiratoire non remboursée ?
Pr I. T.L. Elle n’est pas valorisée comme elle l’est dans la pathologie cardiaque. C’est un énorme problème car l’activité physique limite l’arrivée du handicap et le coût de la prise en charge. C’est une belle porte ouverte pour améliorer tous ces patients même les très sévères. L’efficacité est démontrée mais il n’y a pas de valorisation de cet acte dont l’impact se situe dans la durée alors que l’on privilégie les stratégies à court terme. Aujourd’hui, les niveaux de preuves sont suffisants et les sociétés savantes montent au créneau pour qu’elle fasse partie intégrante de la prise en charge, même chez les patients les plus sévèrement atteints. Pour les patients les plus graves qui passent du fauteuil au lit, la réhabilitation permet une amélioration du seuil de VO2 et donc la possibilité d’efforts croissants. Elle nécessite une supervision médicale et une vraie expertise.
Comment améliorer la prise en charge des exacerbations ?
Pr I. T.L. Lorsqu’un patient a plus de deux exacerbations par an, les études montrent que la morbidité est augmentée avec une perte plus accélérée du VEMS, une moindre qualité de vie, un recours plus fréquent aux hospitalisations et aux soins en général. Il faut mettre l’accent sur la prévention vaccinale contre la grippe et contre le pneumocoque. Il faut surveiller plus étroitement les patients les plus sévères qui constituent une population à haut risque. En cas de détérioration, le patient est susceptible de cumuler les facteurs de risque et il faut rechercher d’autres comorbidités comme un syndrome d’apnée du sommeil, une cardiopathie, ou l’existence de bronchectasies ou autres lésions (détectables par scanner thoracique).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature