« LA BONNE DISTANCE », c'est l'équilibre que doivent trouver les soignants dans leurs relations avec les patients, notamment à l'hôpital. Infirmière et docteur en sociologie, Catherine Mercadier cherche à examiner la question sous l'angle anthropologique. Elle a présenté ses idées au groupe de réflexion éthique de l'HEGP à l'invitation de Marie-Christine Pouchelle, ethnologue au Cnrs.
A la sortie des instituts de formation en soins infirmiers, la plupart des jeunes infirmiers choisissent de façon préférentielle les services très techniques où le soin relationnel est moins prioritaire. Cela indique que la relation avec le patient ne s'apprend pas de façon théorique et fait un peu peur aux soignants qui se sentent désarmés.
En effet, le travail de l'infirmier se situe au carrefour de trois mondes : le monde subjectif de la relation interpersonnelle, le monde technique du soin et le monde social de l'institution hospitalière. « D'après les entretiens que j'ai réalisés avec des infirmiers, il est apparu clairement que c'est le premier de ces mondes qui suscite le plus d'interrogations », souligne Catherine Mercadier.
Entre deux écueils.
« Distance thérapeutique » et « écoute emphatique » : les concepts n'empêchent pas les soignants d'avoir des difficultés à se situer. La bonne distance se situe entre deux écueils : s'investir insuffisamment au détriment du patient et se mettre soi-même en danger.
On reconnaît facilement les soignants qui sont trop proches des patients : tutoiement, accueil du malade convalescent chez lui, présence aux enterrements ou relations amicales avec la famille. A l'opposé, d'autres soignants, pour se blinder, se réfugient derrière la technique, l'humour noir avec les collègues ou l'absentéisme. « Le malade se situe dans un entre-deux, entre la vie et la mort, à la frontière, à la marge », analyse Catherine Mercadier. D'où la ritualisation des soins, la séparation entre les mondes des malades et celui des soignants, pour éviter « la contamination symbolique ». « On demande au soignant de considérer le patient comme un sujet et non comme une pathologie ou un numéro de chambre, afin que puisse s'instaurer une possibilité de relation de sujet à sujet. Mon invitation est de s'approcher au plus près de la relation subjective en se protégeant en toute conscience de façon délibérément choisie et en restant lucide pour éviter les déceptions », plaide la sociologue.
« On ne peut jamais dire avec certitude ce qu'est la bonne distance, mais on se rend compte assez facilement quand on n'y est pas », résume Catherine Mercadier. Contrairement à l'idée reçue, les infirmières les plus expérimentées ne sont pas forcément les plus à même de trouver cet équilibre. « On tire d'autant plus d'enseignements de ses propres expériences quand on sait les analyser et c'est aux institutions d'en donner les moyens », lance la sociologue. On peut penser que ce genre de réunions dans des groupes d'éthique des hôpitaux y participent également.
Journée du groupe d'éthique de l'hôpital européen Georges-Pompidou « Stress et vie hospitalière : travail, émotion et soins », mardi 15 juin 2004.
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