Idées
Avec le soleil, son rayonnement et la chlorophylle, on a déjà la vie et la couleur. Mais Claude Gudin va moins vite en besogne. S'il nous fait saliver en évoquant la « soupe primitive » des premières molécules ou nous intrigue avec « l'il » d'un coacervat, il fait naître devant nous les chaînes de caroténoïdes qui colorent l'oursin, la chanterelle, le flamant rose, l'écrevisse et le crocus ou le safran.
Avec lui, on assiste aussi à la synthèse moléculaire des terpènes, substances volatiles ou odorantes qui donneront parfums et phéromones, ces hormones qui attirent chez l'autre. Déjà les protozoaires puisent leur énergie et leur matière dans les micro-algues et se colorent en consommant les caroténoïdes. Du végétal à l'animal, dit l'auteur, « la séduction, ça se mange » : le bêtacarotène rose d'une algue (Dunaliella) se transmet à des micro-crevettes qui coloreront les ailes du flamant, celui-ci dira ainsi sa flamme en rose lors d'une parade nuptiale. Cette séduction de la couleur est chose connue dans le domaine de l'alimentation humaine. Ce sont d'ailleurs ces mêmes proto-molécules synthétisées qui font que nous préférons des saumons et des truites très colorées et des saucisses de Strasbourg orange... même si la chimie humaine a pris ici un relais discutable.
On ne s'ennuie pas dans ce livre où, tel le crabe, on se gave d'astaxanthine, comme la punaise mâle on offre sa vomissure parfumée à l'autre, comme le triton on fouette la femelle de sa queue argentée jusqu'à ce qu'elle se décide. Avec les oiseaux, nos plumes s'irisent pour séduire, à la fois grâce aux aliments absorbés et à des jeux de diffusion de la lumière dans ces plumes. Certains se feront même maîtres chanteurs.
Les primitifs
Bien sûr, on le sent venir depuis un moment, l'ami Gudin, il va d'un seul coup d'un seul nous expliquer que tout se transpose aux pitoyables humains, eux qui ne se rendent pas compte que leurs rites amoureux recopient rigoureusement la Nature.
Ce n'est pas si simple, les couleurs ont précédé de plusieurs millions d'années l'il ; le gène qui le détermine se retrouve pourtant chez les vers plats, mais « ce fut une période très dure pour les séducteurs car on ne pouvait pas les voir ». En ce qui concerne les hominidés, il est bien vrai que les primitifs qui se parent le corps de couleurs, de plumes ou de coquillages pour séduire collent encore à la Nature.
Chez le « civilisé », c'est la femme qui se pare de couleurs, comme dans la parade mâle chez les animaux. L'homme se vêt de grisâtre, de costumes tristasses et prend sans le vouloir la place des femelles du monde animal. Mais le retour en force du tatouage et du piercing nous réinstalle dans la séduction des êtres prélogiques, certains diraient dans la sauvagerie...
L'être humain, comme le notait Desmond Morris dans « le Singe nu », possède une très longue et très complexe parade amoureuse. C'est tout à son honneur, car la séduction, qu'il ne faut pas platement réduire à l'obtention retardée d'une satisfaction sexuelle, est l'un des rares domaines échappant à la froide logique de la marchandise.
Seuil, coll. Science ouverte, 173 pages, 16 euros.
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