DE NOTRE ENVOYE SPECIAL
LES MEDECINS participant à l'opération « La France sans spécialistes » ont rempli la grande salle du Palais des congrès de Barcelone. Un succès incontestable.
Maïthé Alonso, présidente de la Conférence nationale des associations de médecins libéraux (Cnamlib), à l'origine de cette opération, ne cache pas sa satisfaction. Elle dit sa fierté devant un mouvement aussi spontané et explique en substance qu'il ne sert à rien de détruire le système de santé qui existe aujourd'hui en France. Un système menacé, dit-elle, par la reforme de l'assurance-maladie : « Les technocrates doivent redescendre à notre niveau. Ce qu'ils nous préparent, on sait pertinemment que ça ne marche pas. » En particulier, la Cnamlib réclame la suppression du dossier médical personnel (DMP), qui porte atteinte, selon les spécialistes, à la confidentialité des données médicales. Ils demandent donc un rendez-vous au ministre de la Santé pour lui exprimer leurs craintes et lui suggérer de revenir sur cette réforme.
Exemples étrangers.
Les témoignages de médecins étrangers qui se sont succédé à la tribune du Palais des congrès de Barcelone tendent à montrer que le système français tel qu'il existe aujourd'hui peut faire des envieux.
Voici un médecin anglais qui décrit le fonctionnement du NHS (National Health Service). Les médecins fonctionnaires, la vétusté des hôpitaux, les listes d'attente pour être opéré, tout est passé en revue, et le médecin conclut : « Chez nous, tout est fait pour que ce soit la galère pour le patient ; ce système va à l'encontre des droits de l'homme. » Tonnerre d'applaudissements.
Voici un médecin français qui a exercé outre-Rhin : « Il y a quelques années, dit-il, j'ai pris la décision d'aller exercer en Allemagne, et j'ai craqué au bout de cinq ans. Je voyais 250 patients par jour, ce qui me laissait environ trois minutes par patient. En Allemagne, le médecin ne touche pas d'honoraires de ses patients, il est payé directement par la caisse dont il relève, mais cette caisse met un ou deux mois à payer et demande sans arrêt des explications sur les actes ou les prescriptions. En Allemagne, j'ai fait ce que je serais tenté d'appeler de la médecine vétérinaire. » Succès assuré. C'est ensuite au tour du Dr Marti, un Espagnol, de prendre la parole pour décrire les pratiques de la péninsule ibérique : en Espagne, affirme-t-il, il y a des listes d'attente partout car rien n'est fait pour moduler l'accès du patient. « Les médecins généralistes qui travaillent pour le système de santé voient environ un patient toutes les sept minutes, et les spécialistes voient un patient toutes les dix ou quinze minutes. Ils arrêtent de travailler au plus tard à 16 heures, puis exercent en consultations privées ou pour des mutuelles. » La salle en redemande.
Vient le tour du Dr Uman, un dermatologue hollandais exerçant en Alsace : « Il y a quinze ans, le système de santé de mon pays était très bien. Aujourd'hui, c'est une catastrophe. » Aux Pays-Bas, il y a trois fois moins de spécialistes qu'en France, poursuit-il, « et pourtant le système coûte cher, c'est bien la preuve que le nombre de médecins ne détermine pas le coût de la santé ». Sa description du système hollandais devient presque apocalyptique : « Chez nous, les généralistes ont des assistantes qui renouvellent elles-mêmes les ordonnances, font les frottis, et la consultation du médecin n'excède jamais neuf minutes. Un AVC se traite par le repos à domicile, et les échographies durant une grossesse sont exceptionnelles. La recherche d'économies à tout prix est en train de mettre en péril notre système de santé, et le ministre français qui cite le système hollandais en exemple aurait besoin d'une bonne session de FMC. »
Tabac dans la salle, où un médecin ne peut s'empêcher de s'écrier : « Mais finalement, en France, la situation est encore à peu près correcte ! », déclenchant une réponse du tac au tac : « Oui, mais c'est vers le système hollandais qu'on nous dirige. »
L'après-midi, les débats reprennent, et c'est au tour de Jean-Paul Camou, président de l'Association des anesthésistes libéraux (AAL), de prendre la parole. Il rappelle que 80 % des anesthésistes exercent en secteur I et que la consultation est bloquée à 23 euros depuis 1995, alors que « l'anesthésie de base », cotée K 25 et qui constitue un tiers des actes, est bloquée à 48 euros depuis 1990. Il conclut son intervention par un vibrant : « Les anesthésistes se sont réveillés et ne céderont jamais ».
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