DE NOTRE CORRESPONDANT
SI LES Rencontres de La Baule (deux journées d’échanges réunissant décideurs, experts et professionnels de santé) se déroulent dans les salons feutrés du grand hôtel Hermitage entre gens bien élevés, il est des sujets qui restent épidermiques. L’évolution des structures de paiement de la médecine en France et des modes de rémunération fait partie de ces dossiers délicats même si les mentalités des libéraux évoluent.
Intervenant devant un parterre de professionnels, Brigitte Dormont, économiste de la santé à Paris-Dauphine, membre du Conseil d’analyse économique (CAE), a présenté une note corrosive publiée en juillet par le CAE qui préconise de réformer le mode d’allocation des ressources afin d’améliorer le service rendu par la médecine ambulatoire. Le raisonnement s’en prend ouvertement au paiement à l’acte ultra-prédominant jugé inflationniste, qui nuirait à la coordination des soins, freinerait la médecine préventive, la délégation de tâches et la médecine de groupe. L’économiste suggère plutôt d’affecter une enveloppe fermée de ressources régionales à chaque ARS en fonction des besoins de santé locaux estimés, y compris pour le financement des soins ambulatoires, une petite révolution. À la clé de cette piste de travail : une maîtrise stricte du conventionnement en médecine de ville, de nouveaux modes de rémunération et d’exercice définis au sein de la région ou même de territoires locaux, la forfaitisation de certaines pratiques...
Consultations longues.
Le catalogue a fait réagir les médecins. Le Dr Luc Duquesnel, nouveau président de l’UNOF (CSMF), se dit « très surpris » par cette charge contre le paiement à l’acte accusé de tous les maux. « Avec un mauvais diagnostic, on aura un problème sur les solutions proposées », met-il en garde, soulignant que les généralistes font de longues consultations (à motifs multiples) au tarif de 23 euros et que des dizaines de structures collectives attendent par ailleurs les nouveaux modes de rémunération.
Bref, plutôt que d’imaginer un « grand soir » supprimant le paiement à l’acte, les médecins voudraient bénéficier d’avancées tarifaires promises depuis longtemps : la rémunération des équipes de soins, des forfaits structure pour le secrétariat, l’extension du paiement à la performance à d’autres spécialités, la revalorisation de la CCAM clinique et technique... L’économiste Brigitte Dormont met la profession devant ses responsabilités. « Toutes vos interventions disent "ça, on le fait déjà". Bref, tout est connu, mais rien ne change ». L’assimilation un peu rapide des nouvelles primes sur objectifs à un « 13ème mois » de revenu n’apaise pas le climat dans la salle.
Claude Evin, directeur de l’ARS francilienne, plaide pour une approche territoriale de la santé, y compris dans son financement, mais prend soin de ne pas braquer la profession par des solutions radicales. « Nous sommes sur une stratégie de long terme, modère le patron de l’ARS d’Ile-de-France. Le fait que 63 % de la dépense aille à la prise en charge des maladies chroniques représente un enjeu économique et d’organisation majeur, nous devons être plus efficients. L’évolution des besoins nous oblige à redéployer nos moyens à l’intérieur d’une enveloppe globale ».
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