PHILIPPE BAS a senti la tension monter ces derniers jours. Des infirmières par milliers dans les rues à quelques jours d'un scrutin présidentiel, cela ne fait pas bon genre (« le Quotidien » d'hier).
C'est donc à la hâte que le ministre de la Santé a publié le week-end dernier deux textes répondant aux attentes des infirmières libérales.
Le premier de ces décrets crée l'Ordre national des infirmiers – une décision, soit dit en passant, qui n'est pas du tout du goût des infirmières hospitalières. «L'Ordre, précise le ministère, concernera près de 460000infirmiers, aura pour mission d'élaborer un code de déontologie, de défendre les intérêts de la profession, et sera l'interlocuteur des pouvoirs publics.»
Le second décret «autorise désormais les infirmiers à prescrire à leur patient certains dispositifs médicaux». Un arrêté fixe la liste de ces dispositifs. Il s'agit notamment des pansements, des cerceaux pour lit de malade, des matelas antiescarres ou encore des dispositifs médicaux pour traiter l'incontinence ou faire des perfusions à domicile (aiguilles, cathéters, etc.). Les infirmiers se voient là reconnaître «une compétence nouvelle», précise le ministère.
Toujours le problème des revalorisations.
Mais la mesure n'aura pas suffi à calmer le jeu. Lundi, l'intersyndicat majoritaire, grand organisateur de la grève d'hier, a décidé de maintenir son mot d'ordre. Ces décrets, sortis «dans la dernière ligne droite avant la présidentielle», ne suffisent pas, explique Philippe Tisserand, le président de la FNI (Fédération nationale des infirmiers). «Nous ne sommes pas dupes», ajoute Béatrice Galvan, vice-présidente de l'Onsil (Organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux).
En fait, le principal point de blocage n'a pas été levé : les infirmiers libéraux espèrent une revalorisation importante de leurs tarifs bloqués depuis cinq ans. Cela fait même 23 ans que leurs indemnités du dimanche n'ont pas progressé d'un centime. L'enveloppe financière proposée par l'assurance-maladie – 150 millions d'euros en année pleine – est loin des attentes de l'intersyndicat, qui demande plus du triple pour un simple «rattrapage».
L'Uncam (Union nationale des caisses d'assurance-maladie) organise une nouvelle réunion aujourd'hui, pour débattre du contenu de la nouvelle convention infirmière et de son volet financier. Le syndicat Convergence infirmière (minoritaire) sera présent au tour de table. L'intersyndicat qui regroupe la FNI, l'Onsil et le Sniil (Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux), et qui affirme représenter 85 % des infirmières libérales syndiquées, hésite à faire son retour dans les négociations. La décision devait être prise hier soir, en fonction de l'ampleur de la mobilisation sur le terrain.
Tout effort financier supplémentaire de l'Uncam sera le bienvenu pour désamorcer le conflit. Il faut dire que les 60 000 infirmiers libéraux digèrent mal la comparaison avec le corps médical établie par l'assurance-maladie, pour justifier l'euro supplémentaire accordé il y a un mois aux généralistes. «On nous explique que, à la différence des médecins, les efforts d'économies des infirmiers ne peuvent être mesurés», relève Philippe Tisserand . C'est oublier que les infirmières libérales réalisent des soins postopératoires à domicile : «Ce virage ambulatoire s'est traduit par des économies importantes pour le système, mais les infirmières n'en tirent aucune reconnaissance», déplore le président de la FNI.
Lundi, l'intersyndicat infirmier a mis en garde l'Uncam contre la signature d'une convention minoritaire, sans pour autant se prononcer sur un éventuel recours à un droit d'opposition.
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