LES OBJECTIFS du plan Cancer annoncé en janvier 2003 sont particulièrement ambitieux : réduction de la prévalence tabagique sur cinq ans de 30 % chez les jeunes et de 20 % chez les adultes. Assortie d'actions éducatives, l'augmentation du prix des cigarettes est considérée comme la mesure qui a le meilleur rapport coût-efficacité.
L'accélération de la hausse de 40 % entre janvier 2003 et janvier 2004 (contre 3 à 5 % par an de 1998 à 2001) s'est accompagnée d'une chute des ventes de 13,5 % en 2003 (69,6 millions de cigarettes vendues en 2003, contre 80,5 millions en 2002 et 83,5 en 2001). On pouvait cependant craindre que cette baisse ne soit uniquement le reflet d'un détournement des achats au marché noir ou transfrontalier.
L'enquête Inpes (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé)-Ipsos publiée dans le « BEH » dément cette dernière hypothèse. Réalisée entre le 21 novembre et le 24 décembre 2003, elle confirme la diminution de la prévalence tabagique de 12 % chez les 15-75 ans. Par rapport au baromètre santé de 1999, les populations concernées sont surtout les femmes et les enfants : 18 % de baisse pour chacun. Tendance que vient confirmer l'analyse du profil des ex-fumeurs récents (arrêt au cours des douze derniers mois), dont la proportion croît de 9 % en 1999 à 14 % en 2003. Lorsqu'on interroge les jeunes de 15-24 ans, 51,7 % déclarent avoir arrêté récemment, alors que 15,3 % des ex-fumeuses ont arrêté dans les douze derniers mois. Autre bon résultat de cette étude, beaucoup de fumeurs ont exprimé leur envie d'arrêter : 66 % contre seulement 57 % en 1999. Plus de 20 % souhaitent même un arrêt rapide, dans les mois qui suivent l'enquête.
Une offensive victorieuse.
Selon le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, il s'agit là d'une « offensive victorieuse pour la santé publique ». Les auteurs de l'étude précisent cependant que ce succès doit être « consolidé afin que les ex-fumeurs récents le restent et puissent bénéficier des effets positifs liés à l'arrêt ». D'autant plus qu'un effet délétère semble apparaître : le pourcentage de ceux qui fument du tabac à rouler a pratiquement doublé en quatre ans (de 24,3 % à 47 %), exposant plus encore les fumeurs aux goudrons cancérigènes.
Les motivations à l'arrêt sont liées à la perception des risques liés au tabac, comme l'a montré une enquête menée en 2000, avant « la guerre contre le tabac », également publiée dans le « BEH ». Si plus de neuf personnes sur dix (fumeurs ou non) reconnaissent que le « fait de ne pas fumer » est une mesure efficace pour éviter un cancer du poumon, la population des fumeurs est peu prompte à reconnaître sa propre vulnérabilité. Elle pense bénéficier de facteurs personnels qui minimisent le risque : vie au grand air, activité physique ou sportive, antécédents familiaux favorables. De même, les fumeurs sont plus nombreux que les non-fumeurs à sous-estimer le bénéfice d'un arrêt : 1 sur 5 pense qu'il est nul, voire qu'il est préjudiciable. Cette dernière perception motive fortement l'envie d'arrêter : 25 % de ceux qui pensent que le bénéfice est nul ont envie d'arrêter, contre 60 % de ceux qui croient en un bénéfice important. Cette dernière enquête servira de base pour l'étude des évolutions ultérieures de la perception des risques chez le fumeur. Cependant, le quasi-doublement en un an des appels reçus à Tabac Info Service (44 000 en 2003 contre 25 000 en 2002) témoigne déjà de l'effet positif des avertissements sur les paquets de cigarettes, des campagnes de communication et des hausses du prix du tabac. Parmi les appels, 20,16 % sont des « appels de crise » provenant de personnes qui viennent d'arrêter, se sentent mal, inquiètes, déprimées et prêtes à reprendre un cigarette. Une procédure d'urgence est alors mise en place : prise en charge par un tabacologue qui rassure et s'engage à rappeler dans les minutes qui suivent. Enfin, rappelle le « BEH », une enquête Sofres avait montré que « 29 % des appelants se déclarent non-fumeurs quatre mois après avoir eu un entretien avec un tabacologue écoutant de la ligne ».
Un bilan contrasté à l'hôpital
« A l'image de la population générale, l'année 2003 a été marquée par une diminution importante de la prévalence du tabagisme chez le personnel hospitalier », conclut le Baromètre tabac personnel hospitalier 2003 que publie le « BEH ». Avec une prévalence de 24 % en 2003 (contre 31 % en 2002 et et 32,6 en 2001), le pourcentage d'hospitaliers fumeurs reste inférieur à celui de la population générale. Contrairement à la population générale, « la diminution relative tend à être plus soutenue chez les hommes », qui sont pourtant moins représentés (20 %). La tendance à la baisse devrait s'amplifier en 2004, puisque 65 % des fumeurs actuels envisagent d'arrêter dans l'année ou dans le mois (ils n'étaient que 48 % en 2002). S'ils déclarent vouloir s'impliquer dans la lutte contre le tabac, on note que les fumeurs n'ont pas modifié leurs habitudes et continuent à fumer pendant les heures de travail, avec une consommation et un degré de dépendance inchangé. Contrairement au grand public, ils s'aident rarement pour arrêter des consultations de tabacologie des hôpitaux ou des substituts nicotiniques. Enfin, 61 % des hospitaliers trouvent que la loi Evin n'est pas respectée, en dépit d'une signalétique tabac clairement établie.
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