DEPUIS SON DÉPART à la retraite, il y a treize ans, le Dr Schwartz assure trois consultations hebdomadaires au sein de l’association Emmaüs, deux à la Maison dans la rue, rue Bichat, dans le 10e arrondissement de Paris, une à l’Agora, dans le 14e, qui est tout à la fois un accueil de jour pour 150 personnes sans domicile et une permanence en soirée, avant transfert des personnes accueillies en centre d’hébergement, en milieu de nuit.
«Bien que je ne sois normalement pas là pour jouer les médecins traitants, je suis souvent mise à contribution pour orienter les patients et leur prendre des rendez-vous qu’ils ne demanderaient pas sans moi. Dans le colloque singulier, je les écoute énormément, je fais parler des personnes qui s’expriment d’autant plus volontiers que c’est un public où l’on respecte les gens à cheveux blancs.»
Somme toute, d’autres structures au sein d’autres organisations fonctionnent selon le même schéma, que ce soit le Samu social ou la Mission France de Médecins du Monde. Mais le Dr Schwartz est formelle : «Chez nous, ce n’est pas tout à fait la même chose qu’ailleurs, il règne un esprit abbé Pierre qui nous est particulier.»
L’accueilli d’abord.
«Concrètement, explique-t-elle, cela veut dire l’accueilli d’abord. Nous faisons tout ce qui nous est possible pour lui, essayant d’aller vers lui, de lui consacrer un maximum de temps d’écoute, de mettre au point les solutions les plus adaptées à sa situation, de l’orienter et de le revoir selon le parcours préconisé. Du haut en bas de l’association, la priorité c’est de trouver ce qu’il y a de mieux pour répondre à la situation de l’accueilli et de l’hébergé. Je connais d’autres structures où un tel souci n’anime pas forcément la hiérarchie, notamment dans les bureaux. Continuellement, entre nous, nous évoquons le projet associatif et l’ambition de l’abbé Pierre pour le travail de nos équipes.»
Cet esprit abbé Pierre, le Dr Schwartz le vit, assure-t-elle, comme «parfaitement laïc». Se déclarant pour sa part «profondément athée», elle-même est entrée en contact par hasard avec l’association, la belle-mère d’une patiente jouant les intermédiaires. «Moi-même, en tant que juive, je ne vois rien de confessionnel dans notre travail. D’ailleurs, lors de mes premières années au sein de l’association, 80% des personnes que nous prenions en charge venaient du Maghreb et donc musulmans.
«Le côté catho du mouvement apparaît peut-être dans les relations avec d’autres structures, mais je ne suis pas certaine que, même au sein de la direction, l’engagement confessionnel prime.
«Et quand une malheureuse polémique a éclaté autour de son soutien à son ami Roger Garaudy, qui avait soutenu des thèses révisionnistes, en tant que fille de déportés, je suis surtout marquée par ses actions pendant la guerre, lorsqu’il a sauvé des Juifs en les faisant passer en Suisse. Vous savez, à mes yeux, quand un être humain souffre, ça m’est complètement égal qu’il soit musulman, juif ou chrétien, pour le prendre en charge.»
Figure tutélaire.
Du fondateur d’Emmaüs, le Dr Schwartz n’a eu l’occasion de s’approcher qu’à trois reprises. «Une fois, se souvient-elle, nous avons tenu un conseil d’administration à Esteville, là où il va être enterré; il est venu nous saluer et, bien que n’étant pas en très bonne santé, il nous a reçus avec beaucoup d’humour et de gentillesse. Comme la plupart des membres de l’association, je n’avais pas de relation personnelle directe avec lui, mais j’ai le sentiment que, s’il n’avait plus la conduite des opérations, il continuait d’incarner pour la plupart d’entre nous une figure tutélaire précieuse, avec son franc-parler, qui était resté intact.»
L’annonce du décès de l’abbé Pierre n’a pas été à proprement parler une surprise pour la pédiatre. «Bien sûr, il avait son âge, et puis j’avais appris par un message son hospitalisation. Mais j’éprouve de la peine, comme beaucoup d’entre nous. Quoi qu’on puisse dire, c’était un type formidable.» Le Dr Schwartz pense aller à l’enterrement, vendredi à Esteville (Seine-Maritime). Une cérémonie dans la stricte intimité familiale, a prévenu Martin Hirsch, le président d’Emmaüs-France. « Je ne sais pas trop ce que cela veut dire, commente le médecin, mais Emmaüs, c’était la famille de l’abbé.»
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