L'EPOPEE de la stimulation cérébrale a commencé par la stimulation profonde, celle du thalamus dans les douleurs neuropathiques, puis dans les tremblements, suivie par la stimulation du pallidum dans les formes dyskinétiques de la maladie de Parkinson et, au début des années 1990, par celle du noyau sous-thalamique encore une fois dans la maladie de Parkinson (Benabid). C'est alors qu'un neurochirurgien japonais (Tsubokawa) a révélé, après des expériences menées chez l'animal, que la stimulation du cortex moteur pouvait également avoir un impact thérapeutique sur les douleurs neurologiques. Cette nouvelle approche a été immédiatement suivie par le service de neurochirurgie de l'hôpital Henri-Mondor qui a aujourd'hui utilisé cette technique chez 120 patients (ce qui représente la plus grosse série mondiale) souffrant de douleurs neuropathiques inaccessibles à la stimulation médullaire. Cette dernière est en effet fréquemment mise en défaut lorsque l'origine de la douleur est située au-dessus de la moelle épinière. C'est ainsi le cas des douleurs liées à une lésion du nerf trijumeau ou encore des douleurs thalamiques succédant à un accident vasculaire cérébral (AVC) pour lesquelles les tentatives de stimulation profonde n'avaient jusqu'à ce jour donné que des résultats imparfaits.
Avec la stimulation corticale, l'analgésie obtenue apparaît bien meilleure. « Globalement, avec la stimulation thalamique, une amélioration à long terme n'est possible que chez 30 % des malades alors qu'elle est obtenue dans au moins 70 % des cas avec la stimulation corticale », résume le Pr Jean-Paul Nguyen. De plus, le procédé est moins dangereux que la stimulation profonde qui nécessite, rappelons-le, l'implantation d'une aiguille sur une profondeur de 6 cm. La stimulation corticale a donc cet avantage d'être beaucoup moins invasive puisqu'il s'agit d'appliquer, voire de coudre, une électrode plate (1,5 cm x 4 cm) sur la dure-mère, sans qu'il y ait de contact direct avec le cortex.
L'apport de la neuronavigation et de l'IRM fonctionnelle.
Aujourd'hui, outre les douleurs neuropathiques centrales, en particulier post-AVC, et les douleurs dues à une lésion du nerf trijumeau, cette méthode est aussi employée par quelques équipes pionnières dans les douleurs neurologiques d'origine basse résistant à la stimulation médullaire. L'observation fortuite de la guérison d'un tremblement chez une malade traitée par stimulation corticale pour une douleur en rapport avec une atteinte trigéminale concomitante a également ouvert des perspectives dans beaucoup d'autres indications, « pratiquement tous les domaines de la neurologie... », précise le Pr Nguyen. Un espoir conforté par les résultats obtenus parallèlement avec la stimulation magnétique transcrânienne. Au point que, dans certains cas, les résultats obtenus avec cette dernière « servent à tester l'efficacité potentielle de la chirurgie », et cela pour des pathologies de plus en plus variées. Cette inflation des indications n'aurait toutefois pas pu se faire sans l'apport des nouvelles techniques d'exploration. La neuronavigation, maintenant employée en routine pour repérer les tumeurs cérébrales, permet de localiser très précisément les différentes zones du cortex. L'IRM fonctionnelle affine encore davantage le repérage, révélant notamment son utilité chez les patients amputés de membre dont les zones corticales correspondantes sont modifiées.
De la maladie de Parkinson à la dépression.
Actuellement, les pathologies accessibles à cette technique sont les tremblements, lorsque la stimulation profonde est contre-indiquée, par exemple chez les sujets âgés, et la maladie de Parkinson. Dans ce dernier cas, si les équipes italiennes, particulièrement à la pointe dans ce domaine, l'utilisent de façon « compassionnelle », chez des patients ayant des indications limites pour la stimulation profonde, à l'hôpital Henri-Mondor, la démarche a été d'emblée plus scientifique. Après des travaux effectués chez le singe parkinsonien, dirigés par le Dr Stéphane Palfi, un protocole de recherche clinique vient d'être élaboré visant à étudier la stimulation du cortex moteur chez des patients par ailleurs candidats à la stimulation profonde. L'idée est notamment de vérifier l'absence de répercussions cognitives. L'étude, prévue sur dix patients, devrait démarrer sous peu. Ce projet qui est largement soutenu par le chef du service de neurochirurgie de l'hôpital Henri-Mondor, le Pr Keravel, implique également le Dr Jean-Pascal Lefaucheur, neurophysiologiste et expert en stimulation magnétique transcrânienne.
Mais bien d'autres champs thérapeutiques pourraient être amenés à bénéficier de la stimulation corticale comme les acouphènes rebelles ou certaines dystonies, voire, à plus longue échéance, la maladie d'Alzheimer ou même, curieusement, certaines épilepsies...
Jean-Paul Nguyen s'intéresse aussi tout particulièrement à la dépression sévère dans laquelle des améliorations notables ont été constatées en stimulation magnétique transcrânienne. Le protocole d'une étude multicentrique sur l'intérêt de la stimulation corticale, incluant plusieurs équipes françaises dont celle de l'hôpital Henri-Mondor, est en cours de finalisation.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Paul Nguyen, service de neurochirurgie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
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