JOHN KERRY est sage et il sait que sa victoire aux primaires ne représentait qu'une étape. Il connaît ses propres défauts, notamment la réserve, qui convient mal aux bains de foule, mais que compense le bouillant tempérament de sa femme, Theresa Heinz Kerry. Il n'ignore pas que le choix de John Edwards comme candidat à la vice-présidence, fort judicieux par ailleurs, ne suffit pas à lui livrer le Sud, encore acquis à George W Bush et sans lequel toute victoire à la présidentielle est impossible. Mais la convention qui, cette année plus que jamais, est une formalité, lui servira de tremplin vers la notoriété.
La convention est un grand exercice démocratique : elle rapproche les délégués (venus de tout le pays) de leurs leaders ; comme les primaires, elle exprime la volonté populaire. Et si la consécration de M. Kerry ne fait aucun doute, c'est aussi parce que l'électorat démocrate a voulu se doter d'un candidat capable de battre M. Bush, un homme au centre, pas un utopiste. Les démocrates ne risquent donc pas de se ridiculiser dans des querelles intestines.
Une bonne stratégie. En convergeant sur le nom de M. Kerry, le Parti démocrate est rené de ses cendres, après la défaite d'Al Gore en 2000 et le succès des républicains aux législatives en 2002. Comme d'autres candidats avant lui (Carter et Clinton notamment), John Kerry a une bonne stratégie de conquête du pouvoir. Il avance à pas feutrés et réservera ses forces (oratoires et financières) pour la fin du parcours. Sur la centaine de jours qui nous séparent du 2 novembre, il ne livrera sa bataille décisive que pendant les dernières semaines d'octobre. Il dispose de moyens financiers exceptionnels, quoique inférieurs à ceux de M. Bush. Il mettra en avant M. Edwards, meilleur orateur que lui et qui parle avec l'accent traînant du Sud.
LA VICTOIRE NE PEUT VENIR QUE DE LA MARGE DES INDECIS : 10 %
A Kerry, les explications géopolitiques compliquées ; à Edwards, les formules à l'emporte-pièce.
On comprend mal en France que le camp républicain ait encore des chances sérieuses et que le président Bush soit en mesure de se faire réélire. Mais il ne faut jamais oublier que la plupart des Américains font très peu de politique et ne reconnaissent en général que les dirigeants qui exercent le pouvoir et que l'on retrouve constamment dans les médias. Un parlementaire ou un gouverneur n'est vraiment connu que dans son Etat. Jimmy Carter, de Georgie, et Bill Clinton, de l'Arkansas, étaient des anonymes au lendemain des conventions qui les ont consacrés l'un et l'autre.
Un phénomène s'est produit qui résonne bien France : la bataille des démocrates pour éliminer George W Bush, lequel inspire aux démocrates américains le même ressentiment qu'aux Français. Mais le président dispose du pouvoir et s'en sert dans la campagne ; il répond aux vœux de l'électorat républicain, c'est-à-dire aux citoyens ruraux, ceux du Sud, aux plus religieux, à ceux qui réclament un leadership fort et un langage à la fois simple et déterminé. Les sondages montrent que les erreurs (parfois colossales) de M. Bush - l'Irak, par exemple -, les mensonges qu'il a commis??, les influences délétères auxquelles il est soumis et qui l'ont conduit, par loyauté ou par négligence, à ne limoger personne, n'endommagent vraiment son image que chez les démocrates, ceux des deux côtes et des grandes villes, profondément hostiles au bigotisme, au puritanisme et parfois à l'intégrisme des forces qui soutiennent le président en exercice.
Deux camps égaux.
L'Amérique est divisée en deux grands camps égaux, de sorte que la vie politique est totalement polarisée. Depuis que les républicains ont reconquis le Sud (resté, pendant plus d'un siècle, violemment opposé au Grand Old Party de Lincoln, l'homme qui a soumis les sécessionnistes, les Etats-Unis sont devenus un pays à majorité républicaine et où les victoires démocrates ne sont que des accidents de parcours. Sur les cinquante-deux annnées écoulées, les républicains ont occupé la Maison-Blanche pendant trente-deux ans et les démocrates seulement vingt. Et encore la victoire de Carter sur Ford n'était-elle que la sanction du scandale du Watergate.
Par conséquent, il ne faut pas croire que les Américains vont renvoyer M. Bush au Texas en un tournemain. Le succès d'un candidat ne peut venir que de la marge des indécis, dix pour cent de l'électorat. La bataille sera rude, d'autant que George W Bush est obsédé par la défaite de son père au terme d'un seul mandat et que les républicains croient, pour la plupart, qu'ils représentent la légitimité américaine.
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