Arrivé aux Etats-Unis à l'âge de 4 ans, Elia Kazanjoglou, Grec de Turquie, a connu, vécu, filmé bien des convulsions de l'histoire américaine. Il est mort à 94 ans à New York, une longue vie pendant laquelle il s'est toujours senti, selon son propre terme, un « outsider ».
Un épisode noircit une biographie riche en créations. En 1952, Kazan, qui a été membre du parti communiste de 1934 à 1936, témoigne devant la commission des activités anti-américaines mise en place par le sinistre McCarthy et livre les noms d'une dizaine d'anciens camarades, qui seront mis sur la liste noire et ne pourront plus travailler. Beaucoup ne lui pardonneront jamais cette lâcheté qu'il expliquera plus tard en disant qu'il ne supportait plus les méthodes staliniennes des dirigeants du parti, ni ces « libéraux » restés longtemps muets devant les crimes de Staline.
Metteur en scène de théâtre, créateur avec Lee Strasberg de l'Actor's Studio - dont sortiront Brando, James Dean, Montgomery Clift ou Paul Newman - Kazan se lance dans le cinéma en 1945, avec des films marqués par les préoccupations sociales. « Le Mur invisible », sur l'antisémitisme, « Panique dans la rue », dans lequel Richard Widmark est un valeureux médecin combattant des bioterroristes, déjà, « Un tramway nommé désir », de Tennessee Williams, qu'il avait déjà monté sur scène, « Viva Zapata ! », sur le pouvoir qui corrompt et la révolution permanente, « Sur les quais », dénonciation sociale mais aussi justification du rôle du mouchard, sont quelques-unes des uvres marquantes des années qui suivent.
La dénonciation sociale n'exclut pas la plongée psychanalytique dans l'âme humaine. En 1955, « A l'Est d'Eden », d'après Steinbeck et avec James Dean, est sa première uvre lyrique, évocation des tourments de l'adolescence dans un terrible contexte. Dans le même esprit, il signera « la Fièvre dans le sang », avec Nathalie Wood et Warren Beatty. Le triste sort des Grecs de Turquie et le rêve de l'Amérique lui inspirera le magnifique « America, America » tandis que les tourments de sa vie privée trouveront leur traduction dans « l'Arrangement », livre puis film avec Kirk Douglas et Faye Dunaway. « Les Visiteurs », sur le traumatisme du Vietnam, puis, en 1976, « le Dernier Nabab », sur l'étouffement de la création à Hollywood clôturent une uvre dans laquelle une mise en scène très élaborée se met au service d'une réflexion vivifiante - et parfois contestable - sur la société américaine et les rapports humains.
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