CLASSIQUE
Il y a un peu plus d'un an (voir « le Quotidien » du 21 janvier 2002), le bilan des opéras de Mozart sur le jeune support DVD était d'un optimisme justifié par la disponibilité de documents majeurs pour découvrir ou approfondir la connaissance de ces chefs-d'uvre. Quelques nouvelles versions scéniques d'horizons esthétiques très variés sont venues entre-temps enrichir ce choix.
« Les Noces de Figaro »
Les « Noces de Figaro », spectacle d'ouverture du nouveau théâtre construit au Festival de Glyndebourne en 1994, mises en scène par Stephen Medcalf, sont traditionnelles, toujours très lisibles et rebondissantes dans des décors gentiment stylisés. Cet été-là, l'Américaine Renée Fleming, devenue une star internationale depuis, chantait La Comtesse. Voix pleine au timbre très riche et aux phrasés magnifiques, elle rayonne dans ce rôle, bien secondée par Alison Hagley en Suzanne. Deux fortes personnalités aussi pour Le Comte avec Andreas Schmidt et le Figaro de Gerald Finley. Bernard Haitink dirige le London Philharmonic avec beaucoup de finesse. Une belle soirée et des « Noces » idéales pour découvrir l'uvre (NVC Arts/Warner. 1 DVD).
On n'en dira pas autant de celles dirigées par John Eliot Gardiner au Châtelet en 1993. Non que le niveau musical ne soit excellent : deux jeunes barytons, révélations qui allaient faire, et comment ! leur chemin : l'Américain Rodney Gilfry en Almaviva et le Gallois Bryn Terfel en Figaro et l'excellente Comtesse de la Finlandaise Hillevi Martinpelto dominent une distribution majoritairement britannique. Mais Gardiner a appris à juste titre à se méfier des metteurs en scène et la production était sur le chemin des mises en place qu'il réalise aujourd'hui (plus récemment « Obéron » et « Falstaff » sur la même scène), signée par un Jean-Louis Thamin, qui ne brille pas par sa direction d'acteurs et dans des décors que qualifier de minimalistes est un doux euphémisme. Pour le chant et la direction très théâtrale de Gardiner, mais les yeux fermés ce qui est un comble pour le DVD ! (Archiv Produktion/Universal.1 DVD). Dans une autre version filmée à Zurich en 1996, dans une mise en scène plus « branchée » de Jürgen Flimm et dirigée avec beaucoup de finesse dramatique par Nikolaus Harnoncourt, on retrouve le Comte de Rodney Gilfry et le Figaro de grande stature de Carlos Chausson. A connaître certainement pour une conception plus moderne du théâtre mozartien (2 DVD. TDK/Intégral).
« Cos[147] fan Tutte »
Autre opéra filmé en public à l'Opéra de Zürich en 2000, « Cos[147] fan Tutte », sous la direction de Nikolaus Harnoncourt, très dramatique et aussi proche que possible des conditions musicologiques du dix-huitième siècle, dont le grand atout est la Fiordiligi de Cecilia Bartoli. Le mezzo-soprano italien s'offre un rôle habituellement distribué aux sopranos et l'interprète avec un brio vocal remarquable, une humanité et une musicalité rares. La mise en scène de Jürgen Flimm est claire, classique dans sa parfaite lisibilité, moderne dans sa lecture. Avec son excellente distribution, c'est une très bonne version filmée, avec l'avantage de l'ambiance du direct et en prime un petit documentaire sur l'uvre, les interprètes en coulisse et l'Opéra de Zurich (2 DVD Arthaus/Naïve).
A nouveau John Eliot Gardiner, filmé en 1993 au Châtelet dans ce cycle Mozart resté inachevé, et cette fois maître d'uvre total. Sa conception scénique est très respectueuse mais assez inventive. Les chanteurs, à l'exception des deux « demoiselles » trop anglaises pour paraître napolitaines, sont très bons comédiens, notamment les deux amoureux Rodney Gilfrey (encore !) en Guglielmo et Rainer Trost en Ferrando. Une très belle réalisation, bien filmée et hautement recommandable (2 DVD. Archiv Produktion/Universal).
« Don Giovanni »
Attention document historique ! Ce « Don Giovanni », vieux d'un demi-siècle, est un des ancêtres de l'opéra filmé. Quelques semaines avant de mourir, le chef allemand Wilhelm Furtwängler, qui a contribué après-guerre à la renaissance du Festival de Salzbourg, acceptait l'expérience de filmer l'opéra dans les conditions où il avait triomphé en cet été de 1954. Il faut tenir compte d'un son inférieur à ce que l'on fait aujourd'hui, du jeu un peu appuyé de l'époque mais, à ce prix, quel chant superlatif ! On y entend rien moins que Cesare Siepi, le grand Don de l'époque, les sublimes Elisabeth Grümmer et Lisa Della Casa, Anton Dermota et même le jeune Walter Berry. Furtwängler dirige avec majesté cette course à l'abîme. La comparaison avec les films d'aujourd'hui s'avère passionnante (Deutsche Grammophon/Universal. 1 DVD).
Notamment avec le « Don Giovanni » zurichois de Harnoncourt et Flimm avec, dans le rôle-titre, Rodney Gilfry (décidément omniprésent dans cette sélection), qui déçoit par sa mise en scène assez plate, et la véhémente Elvira de Cecilia Bartoli, qui semble confondre le rôle avec « Elektra ». Restent l'extraordinaire Anna d'Isabel Rey et le Commandeur de Matti Salminen (2 DVD Arthaus Musik/Naïve).
« La Flûte enchantée » et « l'Enlèvement au sérail »
Après la trilogie Mozart/Da Ponte, on retrouve avec plaisir le genre singspiel avec deux opéras chantés en allemand.
Le fait d'être jouée dans de féeriques décors signés David Hockney n'est pas le seul atout de « La Flûte enchantée », filmée en public au Metropolitan Opera de New York en 1990. On est soi-même enchanté par la sobriété des symboles, l'omniprésence et l'humour des animaux et la beauté des costumes. La mise en scène de John Cox est d'une fidélité absolue, exploitant tous les niveaux de lecture de l'uvre, la mettant à la portée de tous et surtout d'un public jeune. James Levine dirige vivement le somptueux orchestre du Metropolitan Opera et la distribution très homogène comporte de grands noms. Kathleen Battle et Francisco Araiza pour le couple Pamina/Tamino, l'excellent Sarastro de Kurt Moll et la Reine de la nuit hors pair de Luciana Serra. Un DVD pour toute la famille (Deutsche Grammophon/Universal. 1 DVD).
« L'Enlèvement au sérail » munichois de 1980 témoigne de l'esthétique allemande soignée mais assez peu audacieuse dans son classicisme d'un August Everding, directeur de cette superbe maison à une époque où la qualité du chant prédominait sur celle des mises en scène (entre-temps, là comme ailleurs, la tendance s'est inversée). Alors, pétri de convention, le spectateur admirera Edita Gruberova au zénith de sa virtuosité dans Konstanze, le superbe ténor Francisco Araiza en Belmonte, l'exquise Reri Grist en Blonde et Martti Talvela en Osmin. Mais il se régalera de la direction fine et élégante de Karl Böhm qui, à quatre-vingt-six ans, remettait une fois de plus sur le métier un opéra pour lequel il avait le plus grand faible (1 DVD Deutsche Grammophon/Universal).
Le bilan est certes positif mais ne console pas de l'absence au DVD des mises en scènes zurichoises des années 1980 des opéras de Mozart par Jean-Pierre Ponnelle, dirigés par Harnoncourt, en un cycle désormais mythique. On attend aussi l'arrivée d'opéras serias comme « Idomeneo » et des quelques opéras de jeunesse, tels « Lucio Silla » et « La Finta Giardiniera ».
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