DANS UN ARTICLE publié par le « New England Journal of Medicine », une équipe de chercheurs autrichiens démontre brillamment – en remplissant toutes les conditions du postulat de Koch – que les colites hémorragiques associées à une antibiothérapie par pénicilline sont dues à une infection par Klebsiella oxytoca. Ces formes cliniques décrites pour la première fois en 1978 diffèrent des colites pseudo-membraneuses à Clostridium difficile par leur résolution spontanée à l’arrêt du traitement antibiotique. Elles ne surviennent que lors de la prise de pénicilline et n’ont jamais été décrites jusqu’à présent dans les suites d’un traitement par quinolones ou céphalosporines.
Produire une cytotoxine.
Plusieurs mécanismes physiopathologiques ont d’abord été évoqués – allergie, ischémie de la muqueuse – avant que la piste de Klebsiella oxytoca ne soit privilégiée. En effet, cette bactérie gram négatif a été détectée chez des patients atteints de colite hémorragique, mais elle existe aussi chez des individus sains. Néanmoins, dans des conditions particulières, en culture, cette bactérie peut produire une cytotoxine capable de tuer des cellules épithéliales en culture.
L’équipe du Dr Högenauer (Graz) a fondé la première partie de son travail sur l’analyse de 22 patients consécutifs qui présentaient une colite hémorragique associée à l’utilisation d’antibiotiques et chez qui le prélèvement de selles n’avait pas retrouvé la présence de C.difficile. Les patients ont tous été explorés par coloscopie et leurs selles ont été cultivées dans un milieu spécialement destiné à favoriser la culture de K.oxytoca. Lorsque cette bactérie était isolée, un test de production de cytotoxine était effectué sur des cultures cellulaires. Pendant la même période, les chercheurs ont collecté des souches de cette même bactérie prélevées chez 385 sujets sains asymptomatiques.
Dans un deuxième temps, il était essentiel de disposer d’un modèle animal de la maladie. Alors qu’il a toujours été impossible de créer de novo une colite pseudo-membraneuse à Clostridium difficile chez l’animal, l’ingestion massive de différents antibiotiques, dont la pénicilline, a conduit à des tableaux cliniques de colites hémorragiques chez le rat Sprague-Dawley.
Signes endoscopiques de colite hémorragique.
Sur les 22 patients, six présentaient des signes endoscopiques de colite hémorragique associée à l’utilisation d’antibiotiques. Chez cinq d’entre eux, la culture de selles a confirmé la présence de K.oxytoca et l’absence d’autres pathogènes intestinaux. Les épisodes diarrhéiques avaient commencé pour cinq des six patients après la prise d’un traitement par pénicilline. Deux des sujets avaient consommé en même temps des Ains. Toutes les souches de K.oxytoca produisaient une cytotoxine.
Dans la population générale, le taux de portage de K.oxytoca est de 1,6 %. Chez ces porteurs sains, la bactérie pourrait se développer du fait de la pression de sélection imposée par la prise d’antibiotiques.
Dans le modèle de rats Sprague-Dawley, il n’a été possible d’observer des signes cliniques de colite hémorragique, associée à la présence de K.oxytoca, que chez ceux traités par l’association amoxicilline-acide clavulanique, qui a en outre été inoculée avec la bactérie. L’ingestion du même antibiotique, associée ou non à la prise d’Ains, n’a jamais induit chez les autres animaux une telle symptomatologie colique.
L’ensemble de ce travail permet de répondre à tous les prérequis du postulat de Koch et on peut désormais penser qu’un certain nombre de colites hémorragiques postantibiotiques sont directement liées à l’émergence de Klebsiella oxytoca dans les selles chez les patients traités par pénicilline associée ou non à des Ains.
« New England Journal Medicine », 355 ; 23, 3419-24-26.
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