L'histoire qu'apprendront demain les téléspectateurs est celle de jumelles jointes, que l'on aurait appelées il y a peu de temps encore des « siamoises », terme que réfute le Pr Claire Fétéké (chirurgie viscérale pédiatrique Necker/Enfants-Malades, Paris) parce qu'il ne s'agit pas de petits monstres mais d'une malformation (presque) comme une autre, de plus en plus souvent accessible à la chirurgie.
Les jumeaux joints concernent une grossesse sur 50 000. Mais tous les enfants ne sont pas viables et bien des grossesses s'interrompent d'elles-mêmes. Dans d'autres cas, les parents décident d'interrompre la grossesse parce que la malformation est trop lourde. Enfin, certaines grossesses sont menées à terme. Et il naît environ trois paires de jumeaux joints par an en France.
L'intervention diffusée samedi n'est pas une première chirurgicale ; en 1965, déjà, une équipe avait séparé avec succès deux enfants reliés par le coccyx et l'anus ; d'autres opérations sont régulièrement pratiquées dans le monde. Le message que veut faire passer le Pr Fétéké est au contraire que ce type d'intervention est possible aujourd'hui grâce à une bonne évaluation et une bonne maîtrise du risque. Le diagnostic prénatal permet de connaître avec précision les détails de la malformation : quels organes sont communs aux deux enfants ? Dans quelles proportions ? Quelles sont les possibilités de réparation ? Quels sont les risques encourus ? « Nous expliquons très clairement aux parents en quoi consiste la malformation, les risques qu'elle fait courir aux enfants, la lourdeur de l'intervention et les chances de succès, explique le Pr Fétéké. C'est à eux de choisir de poursuivre ou non la grossesse. Nous respectons leur choix et acceptons d'interrompre la grossesse, même en fin de gestation si une difficulté inattendue intervient. Même si les progrès de la médecine permettent aujourd'hui à un certain nombre de jumeaux joints d'être séparés et d'avoir une vie "normale" , c'est toujours une aventure psychologique très lourde pour les parents. Tous ne sont pas prêts à l'assumer. »
Les équipes du Magazine de la santé ont suivi la grossesse, la naissance puis l'intervention sur des jumelles jointes par le thorax. Les deux enfants avaient en commun des côtes et une partie du diaphragme, du foie et du péricarde. Le Pr Dumez (chef du service d'obstétrique Necker) et le Pr Fétéké, après évaluation des lésions, ont estimé qu'une intervention était possible avec de bonnes chances de succès. Chaque geste opératoire a été répété longuement avant la naissance des enfants. Grâce à l'imagerie médicale, les chirurgiens savaient parfaitement quelles difficultés les attendaient et quelles solutions y apporter. C'est là que réside le progrès de ce type d'intervention.
La Cinquième a pu filmer la naissance (par césarienne) des enfants ; puis trois semaines après toutes les étapes de l'intervention de la séparation. Dans un premier temps, les deux nourrissons joints sont opérés ensemble par une même équipe ; puis, une fois séparés, on écarte les deux parties de la table d'opération, sans bouger les enfants, et deux équipes interviennent de concert pour reconstituer les parties d'organes manquant. L'intervention a duré six heures et il n'y a pas eu d'incident postopératoire. Les jumelles (dont les parents souhaitent préserver l'anonymat) ont pu rentrer chez elles à deux mois. Aujourd'hui, elles vont très bien.
Une belle aventure, présentée et commentée de façon simple et didactique par le Pr Fétéké et le Pr Dumez.
Le Magazine de la santé, samedi 10 novembre à 18 h sur la Cinquième.
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