Un ouvrage* intitulé « La judiciarisation de la santé » bat en brèche l’idée reçue selon laquelle la France emprunte le chemin des États-Unis en matière de procès médicaux.
Dans chacun de ces deux pays, le praticien doit avoir commis une faute pour que sa responsabilité puisse être mise en cause. Le parallèle s’arrête là. Outre-Atlantique, les règles de « medical malpractice » ne sont pas fédérales, et certains États sont plus intolérants que d’autres à l’erreur médicale. L’essentiel des affaires se traite au civil, le professionnel de santé n’ayant quasiment pas de responsabilité pénale (le recours au pénal, en cela, est une spécificité française).
Autre différence notable : le montant des indemnités accordées aux victimes d’accident médical par les tribunaux américains est plus élevé (323 000 dollars en moyenne en 2009), de même que les primes d’assurance acquittées par les professionnels. Certaines affaires, rarissimes certes, ont déjà dépassé les 10 millions de dollars. À l’indemnisation du préjudice s’ajoutent des intérêts punitifs, d’un montant très élevé, dont le but est de dissuader le professionnel de renouveler l’erreur.
Pour toutes ces raisons, « il n’y a pas de dérive à l’américaine en France », estime Didier Tabuteau, coauteur de l’ouvrage. Les travaux de recherche, pilotés par l’Institut droit et santé (Université Paris-Descartes), passent au crible une décennie de litiges et de réclamations, et comparent les voies judiciaires et amiables. Une mine d’informations pour les praticiens, de nature à calmer leurs angoisses. On y apprend que les condamnations prononcées par les tribunaux administratifs et de grande instance ont été stables entre 2004 et 2009. Au pénal, une baisse est même enregistrée. La voie amiable – via les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation – est la plus fréquemment empruntée. Bien souvent, elle se solde par un classement sans suite.
Alors, pourquoi cette impression diffuse que la médecine française se judiciarise ? « La médiatisation de certaines affaires est une explication, avance Anne Laude, professeur de droit et coauteur du livre. Le droit a changé depuis dix ans. C’est aux médecins d’apporter la preuve qu’ils ont délivré l’information au patient. Les professionnels de santé connaissent mal la loi. »
C’est là l’un des enseignements de ces travaux de recherche : trop souvent encore, les médecins se trouvent mis en cause non pour une erreur de diagnostic ou un retard de prise en charge, mais pour un défaut de communication. Entre 1999 et 2009, 249 médecins ont été condamnés par un tribunal administratif pour défaut d’information.
* Publié cette semaine aux Éditions de Santé. Prix : 75 euros.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature