Tandis que la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) et le syndicat MG-France tentaient mercredi dans la soirée de trouver le « compromis » souhaité par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, la « Journée sans toubib », organisée à l'initiative de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et du Syndicat des médecins libéraux (SML), mobilisait une grande partie du corps médical.
Rarement, une journée de grève des soins a rencontré un tel écho politique et médiatique. Point d'orgue d'un conflit engagé par les médecins généralistes, il y a plus de deux mois, pour obtenir une revalorisation de la consultation à 20 euros et de la visite à domicile à 30 euros, elle aurait été suivie « massivement », selon les syndicats qui estiment à environ 80 % la participation.
Une mobilisation donc exceptionnelle à laquelle s'étaient jointes plusieurs autres professions de santé libérales, comme les dentistes dont plus de la moitié des cabinets étaient fermés, ou encore les ambulanciers qui ont manifesté à Caen et à Nancy.
Les conséquences de cette grève sur les services d'urgence sont restées apparemment limitées, notamment en raison du nombre des réquisitions de médecins décidées par les préfets. Elisabeth Guigou avait appelé au « civisme » des patients afin qu'ils ne s'adressent aux services d'urgence « qu'en cas d'impérative nécessité ».
La situation dans les grandes villes était « la même que d'habitude », a confirmé le Dr Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF), qui a reconnu toutefois que le nombre d'appels aux SAMU a été doublé, voire triplé.
De nombreuses actions de sensibilisation de la population ont ponctué cette journée, prenant des formes diverses et parfois étonnantes : ainsi 450 médecins se sont retrouvés pour un « brunch » à Cintegabelle, fief du Premier ministre, Lionel Jospin ; à Lyon, les médecins ont organisé des prises de tension gratuites sur le marché tandis que, dans le Nord, ils sont allés donner leur sang. Dans l'Ouest, où le mouvement est particulièrement bien suivi, des manifestations ont été organisées à Nantes et à Rennes où l'ensemble des syndicats étaient présents.
Succès public, cette « Journée sans toubib » n'a pas réussi toutefois à impliquer le gouvernement dans le conflit, comme le souhaitait la CSMF. Lionel Jospin a opposé une fin de non-recevoir à son président, le Dr Claude Maffioli, qui s'était rendu en délégation à l'hôtel Matignon et demandait à être reçu. Rappelant qu'une négociation état en cours avec les caisses d'assurance-maladie et « respectueux du rôle des partenaires sociaux », le Premier ministre a invité la CSMF à se joindre à ces discussions. « C'est un dialogue de sourds. Les pouvoirs publics bottent une fois de plus en touche. Mais, on continue à penser que la CNAM n'a pas les moyens d'apaiser la colère des médecins et que le gouvernement doit sortir du bois. La "Journée sans toubib" n'était qu'une étape dans la mobilisation et nous allons prendre d'autres initiatives pour le mois de février. Ce sera l'escalade », commente le Dr Chassang, président de l'UNOF, la branche généraliste de la CSMF. « Ce n'est pas digne d'un pays démocratique, je suis écœuré », explique de son côté le Dr Dinorino Cabrera, président du SML.
Les médecins avaient pourtant reçu le soutien de plusieurs personnalités de gauche comme Robert Hue, candidat du Parti communiste à la présidentielle et lui-même ancien infirmier. Il avait demandé au gouvernement d'avoir « le courage et l'audace de répondre sans délai aux professionnels de santé », tandis que Jean-Pierre Chevènement souhaitait que le conflit « sorte de l'impasse ». La candidate du PRG, Christiane Taubira, a jugé « légitime » le mouvement des médecins généralistes et demande une réorganisation du secteur sanitaire « qui ne peut être ni banalisé, ni marchandisé ».
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