LA PRESENTATION HATIVE par le ministre de la Santé, le 19 décembre, au lendemain du drame de Pau, d'un plan pluriannuel censé résoudre la crise de la psychiatrie n'a pas calmé les esprits au sein d'une profession sous tension. Elle les a, au contraire, échauffés.
« Nous avons été figés par ces effets d'annonce, témoigne un jeune psychiatre de secteur, exerçant dans l'Ouest parisien. Le ministre nous reproche de privilégier les psychothérapies au détriment de la prise en charge en aigu : il a été mal informé ! On travaille chaque jour dans l'urgence. Dans mon centre médico-psychologique (CMP) , la saturation des consultations est totale. On ne trouve pas de psychologues, on n'a pas le temps de prendre nos repos compensateurs au lendemain des gardes - j'en fais une par semaine. On fait déjà appel à des psychiatres libéraux pour nous aider. Comment est-ce possible d'ouvrir davantage le CMP, comme le souhaite le ministre ? Il n'y aura pas de volontaires pour travailler les week-ends. »
Annonces « ni réalistes ni réalisables ».
L'exaspération est palpable dans le discours d'une autre psychiatre, qui travaille dans un CMP du Calvados. Une zone rurale, où les problèmes diffèrent de ceux rencontrés à Paris. « Les annonces du ministre ne sont ni réalistes ni réalisables, affirme d'emblée une praticienne. Surtout ici, où on a plus de travail que nos confrères installés en ville. Le CMP assume seul un secteur de 80 000 personnes - il n'y aucun psychiatre libéral dans le coin. Comment faire plus ? Notre structure manque déjà d'attractivité. Le plan de santé mentale révèle une méconnaissance de la psychiatrie rurale ; il ne prend pas en compte les spécificités sociales et régionales. »
Pour cette psychiatre comme pour son confrère parisien, le manque de personnel est à l'origine de bien des problèmes, et le plan ministériel n'y répond pas. « Pour schématiser, en Ile-de-France, on manque d'infirmiers, et, en zone rurale, de médecins », indique le Dr Eric Malapert, président du Syndicat des psychiatres d'exercice public (Spep). Cette crise démographique a des répercussions directes dans les CMP : des restrictions d'horaires, quand ce n'est pas la fermeture. « Le projet politique d'élargir les horaires d'ouverture des CMP se heurte de plein fouet à la réalité de terrain », résume le Dr Malapert.
L'autre idée de Philippe Douste-Blazy, l'arrêt immédiat de la fermeture de lits en psychiatrie, ne fait pas non plus l'unanimité chez les professionnels. « Le nombre de lits pour mille habitants varie de un à cinq. En Ile-de-France, par exemple, on a trop fermé ; mais dans certaines régions, les réductions du nombre de lits peuvent se poursuivre, à condition de développer en contrepartie des structures alternatives à l'hospitalisation », propose le Dr Malapert.
L'enveloppe débloquée - 200 millions d'euros sur trois ans - est largement insuffisante, affirme de son côté le Dr Jean-Claude Pénochet, secrétaire général du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH). « La psychiatrie représente 10 à 15 % du budget de la santé, on n'y est pas ! Il manque des postes de psychiatre partout, le malaise de la profession est très profond. La psychiatrie publique est attaquée, et la nouvelle gouvernance des hôpitaux va aggraver la situation. Nous souhaitons nous mobiliser pour toutes ces raisons. Notre mouvement du 20 janvier vient en réaction directe aux prestations télévisées de notre ministre. »
La journée d'action sera sans doute très suivie sur le terrain, un psychiatre hospitalier sur deux étant syndiqué. Une dizaine de syndicats s'associent au mouvement : tous ceux réunis au sein du comité d'action syndical de la psychiatrie (dont le SPH), ainsi que ceux constitutifs de l'intersyndicat de défense de la psychiatrie publique (dont le Spep). Objectif de la mobilisation : obtenir pour la psychiatrie « un projet ambitieux (...), prioritaire, comportant une réorientation globale du dispositif de soins à la hauteur des enjeux, des moyens en personnels et en structures et une réponse claire à la baisse démographique des professionnels, notamment par l'attractivité des carrières », résume le SPH dans un communiqué.
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