SÉGOLÈNE ROYAL A FAIT une excellente prestation lundi à TF1. C'est ce que l'on a dit, mais seulement parce qu'elle n'a commis aucune erreur, philologique, historique ou économique. De toute façon, il serait stupide de s'en tenir à une lecture au jour le jour de chaque campagne, d'insister sur des carences qui peuvent toujours être comblées et de manipuler des chiffres comme si la vérité en sortait.
Ce qui apparaît, c'est la faille idéologique de plus en plus béante qui sépare les deux « principaux » candidats et qui enrage le troisième. Au-delà des petites impostures (de Sarkozy, avec sa baisse des prélèvements répartie sur cinq ans, de Royal, avec son Smic à 1 500 euros, quand ce sera possible), on perçoit un fort engagement libéral face à un non moins vigoureux effort de justice sociale. L'électeur peut donc choisir en bonne connaissance de cause.
DANS LE REGISTRE COMPASSIONNEL, SARKOZY NE SERA JAMAIS AUSSI BON
Perdant au premier tour, gagnant au second !
Certes, ils seront nombreux ceux qui refuseront l'écartèlement entre les deux thèses et font déjà le bonheur de François Bayrou. A ceux qui croient que Ségolène est déjà disqualifiée (vous verrez que sa cote remontera) s'ajoutent ceux qui voient en Bayrou une sorte de messie politique. La percée du candidat UDF est certes impressionnante : quelques sondages lui accordent 16 %, plus qu'à Jean-Marie Le Pen, qui aurait trois points de moins (on vérifiera le 22 avril). Mais même à 16, il ne passe pas le premier tour. Lui qui n'a pas fini de s'en prendre aux instituts de sondage et aux journalistes doit être enfin satisfait de celui qui, l'écartant après le premier tour, pose à ses interlocuteurs la question sur ce qui se passe avec Bayrou au second tour et le donne gagnant dans tous les cas de figure ! Est-ce bien raisonnable ?
Jean-Christophe Cambadélis, député PS de Paris, l'un des chevau-légers de Mme Royal, s'en prend à l'absurdité de la question ainsi posée, mais les socialistes ont compris que François Bayrou menace plus Ségolène que Nicolas. Elle-même, logiquement, aurait dû répondre à l'aspect aventureux de la candidature de M. Bayrou en exprimant un peu de ce que sa propre candidature a de fantasque. Mais si, dans son camp, on lui reproche de ne compter que sur elle-même, ce n'est pas parce qu'elle serait incompétente ou frivole : son assurance est enracinée dans un terrain mystique ; ses « je veux » répétitifs et même lancinants semblent lui être dictés par une voix intérieure, mais distincte de la sienne. Depuis qu'elle a été désignée par le Parti et qu'elle s'est exclamée, comme Mitterrand en 1981, «quelle histoire!» , elle semble avoir la certitude d'être élue présidente, de sorte que les incidents de parcours ne lui pèsent guère ; on en viendrait presque à croire qu'elle est guidée par la Providence, ou qu'une cartomancienne lui a annoncé son destin.
Bayrou n'arrange pas les affaires de Sarkozy.
En tout cas, cette sorte d'auto-imprégnation lui apporte tout le calme requis dans un moment difficile. Elle ne croit pas aux signes avant-coureurs de la défaite ; elle a confiance. Et s'il faut prendre un pari du genre : qui est le feu de paille, d'elle ou de Bayrou, il faut choisir le second. Car, de même qu'il y a une droite solide qui soutiendra Sarkozy jusqu'au bout, il y a une gauche imperturbable qui n'abandonnera pas sa candidate. Et, en somme, Nicolas Sarkozy n'a que de bonnes raisons de ne pas souhaiter que Mme Royal faiblisse davantage dans les enquêtes. Car si M. Bayrou est le président que voudrait une majorité de Français, le candidat de l'UMP n'a pas intérêt à ce que le troisième homme dépasse Mme Royal.
Car, c'est vrai, il y a un retour de la bipolarisation ; et l'électorat le sent, qui cherche une alternative (depuis longtemps : ce qui s'est passé en 2002, n'était-ce pas, entre autres, le refus du clivage gauche-droite ?) en accordant une popularité croissante à M. Bayrou et en lâchant Ségolène Royal. Pour autant, les jeux ne sont pas faits. Dans les deux mois qui viennent, la campagne, qui a commencé très tôt et a progressé très vite, va encore changer de rythme. Il nous semble en effet que, depuis lundi dernier et l'émission de TF1, la candidate est mieux perçue. Elle l'a dit, et sur ce point elle est tout à fait sincère, elle veut aider les Français les moins bien lotis. Ceux-là la préféreront et, avec eux, tous les gens de gauche qui militent pour la justice sociale. Le courant, celui de la compassion, est passé. Dans ce registre, M. Sarkozy ne sera jamais aussi bon.
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