Arts
Il entre dans le travail de l'historien d'art de procéder à des mises en valeur d'uvres négligées par l'Histoire, ou de redécouvrir des artistes oubliés. C'est le cas de Charles Sterling, remarquable spécialiste des « primitifs », qui est à l'origine de la redécouverte d'un peintre ayant travaillé « entre Rhin et Vosges » au XVe siècle : Jost Haller, dit le peintre des chevaliers.
S'il est d'abord situé à Strasbourg où il peint le Retable du Tempelhof de Bergheim, puis à Metz, c'est à Sarrebruck qu'il devient le peintre attitré des Nassau-Saarbrücken. Son uvre authentifiée reste mince, elle représente 7 numéros, tous présentés dans l'exposition. Certains, comme « le Retable des chevaliers teutoniques », comprenant divers éléments jusqu'alors dispersés dans diverses collections et exceptionnellement rassemblés.
Mise en perspective
L'attrait de l'exposition n'est pas que dans la redécouverte d'un artiste de grand prestige mais aussi dans la mise en perspective de son travail, tant en amont, en soulignant les influences subies, qu'en aval en montrant qu'il se situe au cur de l'activité artistique de la région.
De son vivant assez apprécié pour être appelé à travailler hors de son lieu de résidence, Jost Haller est le seul peintre strasbourgeois, avant le prestigieux Hans Baldung, dont l'uvre a pu être identifiée, la plupart de celles de ses contemporains n'ayant d'auteur que le « maître » tirant son nom de l'uvre qui lui est attribuée.
Nullement hostile aux influences qu'il peut recevoir des contacts fréquents et fructueux relevant des échanges commerciaux et culturels entre la région Strasbourgeoise et les pays limitrophes. Un savant composé des traditions locales avec les apports flamands. En retour, Jost Haller influence les artistes qui lui succèdent. Contemporains, successeurs, dans un jeu savant de réciprocité, d'échanges, voire de collaborations, Jost Haller s'inscrit ainsi dans une continuité jalonnée par les travaux du Maître de la Passion de Karlsruhe, du Maître de Walbourg, ou encore celui du Retable de Stauffenberg et d'infimes notations arrachées ici et là à des uvres religieuses de l'époque.
L'étendue du registre de Jost Haller est encore plus remarquable dans les 59 miniatures du « Livre de prière de Lorette d'Herbeviller », un point fort de l'exposition. C'est une uvre hétérogène, composée de fragments rapportés, et probablement exécutés avec l'aide d'assistants. Il déploie toute sa science dans une quarantaine de portraits de saints et saintes. De figures « représentées souvent avec leurs attributs, mais hors de tout contexte narratif lié à leur légende ». Ce sont des compositions savantes, enchâssées dans des encadrements « imitant les sobres cadres en bois qui bordaient au XVe siècle les petits panneaux des dévotions privées ».
Grand est le savoir du rendu subtil des physionomies individualisées ; ou le noble modelé des étoffes, et jusqu'à la qualité propre aux matières des objets. Une force tranquille et des ouvertures sur des paysages induisant la sensation atmosphérique, un bonheur d'expression qui ne déroge pas à la règle de la piété d'usage. Une approche sensible et fort prenante du sujet pour lui donner sens et chair.
Outre la révélation d'une oeuvre à inscrire au grand registre de l'Histoire de l'art dans sa spécificité, une belle page d'histoire et, par un système comparatif, un décryptage de l'art de ce XVe siècle florissant, dont Jost Haller illustre la tempérance élégante et la piété fervente.
« Jost Haller, le peintre des chevaliers », Musée d'Unterlinden, Colmar. Jusqu'au 16 décembre. Tous les jours de 9 h à 18 h jusqu'au 31 octobre, de 10 h à 17 h du 2 novembre au 15 décembre. Entrée 35 F. (3e âge 30 F). Un précieux catalogue complète l'exposition.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature