« L ES progrès sont nets, mais ils sont lents », a estimé le ministre délégué à la Santé, tandis qu'Elisabeth Guigou présentait, à la sortie du conseil des ministres, le projet de révision de la loi bioéthique. « En 1994, nous avons été un peu frileux de ne pas autoriser la recherche sur les embryons. Aujourd'hui, c'est chose faite. Il nous reste à éclairer l'opinion à partir de la thérapeutique », a-t-il insisté, en espérant que le refus d'autoriser le clonage thérapeutique ne ralentira pas les activités de recherche de la France.
Fruit d'un « important travail interministériel engageant personnellement les ministres de l'Emploi et de la Solidarité, de la Justice, de la Recherche, de la Santé », le texte gouvernemental sera « vraisemblablement » discuté au Parlement pour une première lecture au début de l'année prochaine ou avant la fin de la législature, a promis la ministre de l'Emploi.
Sur les cinq titres que comprend le projet, c'est évidemment le titre IV qui a été le plus débattu, puisqu'il traite de la recherche sur l'embryon. L'interdiction du clonage reproductif est réaffirmée, en ajout à l'article 16-4 du code civil. Cette interdiction est même assortie d'une peine (pour atteinte à l'espèce humaine, pourrait-on presque dire) de vingt ans de réclusion criminelle. Seules ont été retenues les recherches, à finalité médicale, sur les embryons congelés surnuméraires (ne faisant plus l'objet d'un projet parental).
Le cercle des donneurs agrandi
Le Premier ministre a finalement choisi de suivre l'avis du Conseil d'Etat de ne pas autoriser le clonage thérapeutique. « Le gouvernement a voulu transmettre au Parlement un texte consensuel mais cela ne veut pas dire que le débat sur le clonage thérapeutique est clos », a précisé Elisabeth Guigou. De même, le texte n'autorise pas la réimplantation post mortem d'un embryon, après le décès du père.
La future loi crée une nouvelle agence, « de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines », qui aura un caractère indépendant. Elle comportera un Haut Conseil chargé de rendre des avis sur les demandes d'autorisation des protocoles de recherches relatives à la bioéthique, d'assurer une veille concernant le développement des connaissances et des avancées techniques, et de veiller au respect des principes de la nouvelle législation, voire de proposer des adaptations ponctuelles à la loi.
Le titre II du projet de loi introduit des modifications concernant « les dons et utilisations des éléments et produits du corps humain ». « Nous avons souhaité harmoniser les procédures du recueil de consentement pour les prélèvements », a indiqué Elisabeth Guigou.
Au sujet des prélèvements sur personne décédée, le régime du consentement s'appliquera non seulement aux prélèvements à visée thérapeutique mais aussi à ceux dont la finalité est scientifique (alors que dans le second cas, le régime est actuellement fondé sur l'exigence d'un consentement exprès du défunt).
Par ailleurs, si le médecin n'a pas connaissance du refus du défunt, il peut recueillir le témoignage de la famille ou celui des proches. Les autopsies médicales seront également placées sous le régime du consentement présumé. Toutefois, une dérogation est prévue, permettant « de passer outre un refus, à titre exceptionnel, pour une nécessité absolue de santé publique, telle que la surveillance de l'évolution épidémiologique des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles ».
S'agissant du don d'organes par des personnes vivantes, le projet de loi étend le cercle des donneurs « à l'intérieur et au-delà du cercle familial ». « Il s'agit de réduire la pénurie d'organes, a expliqué la ministre , mais pas seulement. Plus le cercle de donneurs est restreint, plus la pression qui porte sur le donneur compatible est forte. »
Le texte supprime la condition d'urgence pour le conjoint et prévoit désormais que le donneur peut être toute personne majeure et capable ayant avec le receveur « un lien étroit et stable ».
Dans la perspective de protéger la dignité humaine, le projet de loi précise, dans son article premier, que « nul ne peut faire l'objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques ». « Le projet de loi a pris en considération deux facteurs, a relevé Elisabeth Guigou. D'une part, le fait que les risques potentiels liés à une utilisation discriminatoire des résultats des examens génétiques tendent à croître dans des domaines tels que ceux du contrat d'assurance ou du contrat de travail. D'autre part, le fait que les progrès intervenus en matière de tests génétiques augmentent le nombre de prédispositions à des pathologies susceptibles d'être révélées. »
Au sujet de l'identification des empreintes génétiques dans le cadre d'une procédure judiciaire, le texte prévoit que la mise en œuvre de cet examen chez une personne décédée n'est pas possible si elle a expressément manifesté son opposition de son vivant. Cette précision met donc un terme à la jurisprudence Montand : le corps de l'acteur avait été exhumé pour les besoins d'une expertise d'empreintes génétiques en vue de prouver un lien de paternité.
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