José-Alain Sahel, directeur de recherches (Inserm 512, université Pierre-et-Marie-Curie) a reçu le prix scientifique de la fondation NRJ. Et adoubé, du même coup, par l’Académie. Spécialiste de la rétine, J.-A. Sahel a mis au jour une découverte fondamentale dans le processus de la rétinopathie pigmentaire : une protéine est la cause de cette pathologie dégénérescente. Les maladies de la rétine, qu’elles soient d’origine génétique ou causées par la vieillesse, conduisent à une dégradation des photorécepteurs, les cônes et les bâtonnets. C’est là le champ de recherche de J.-A. Sahel.
L’odyssée de l’oeil.
Un pas décisif vient d’être fait dans la compréhension de ces maladies. Après avoir biffé, dès 1991, l’hypothèse toxique – «en fait, marginale» –, ses recherches prennent une autre direction : l’interdépendance des photorécepteurs. Il émet l’hypothèse que les neurones échangent des signaux entre eux. Reste à le prouver. C’est chose faite grâce à la transplantation. Le but n’est pas de rendre la vision mais de créer un environnement favorable à la vie. Une première étape encourageante que la rectification de la loi de bioéthique ralentit considérablement. «L’obtention de tissus rétiniens était devenue difficile», souligne le lauréat. Il ne se démonte pas et organise une équipe autour de lui, fait venir des biologistes moléculaires, réunit les spécialités dont il ne possède pas les compétences. Pour ne pas laisser la recherche en berne, il mutualise.
Le clinicien endosse ainsi l’habit du chercheur. «La recherche fondamentale n’est pas superflue. Les questions du patient me conduisaient au laboratoire où nous élaborions des modèles puis je revenais vers la clinique. J’étais un traducteur», poursuit-il. Ces allers et retours permettent d’identifier la molécule assurant la survie entre les cellules.
Le glas de la maladie ? La mort des bâtonnets puis des cônes, condamnant le patient à la cécité. D’abord la perte des couleurs puis le rétrécissement du champ visuel – «les patients perdent la vision de nuit». Un constat qui ne lui échappe pas : il pose l’hypothèse que les cônes ont besoin des bâtonnets pour survivre. C’est cette idée, une fois vérifiée, qui le conduit à poser le doigt sur «une protéine sécrétée et exprimée par les bâtonnets et dont le gène est indispensable à leur survie».
Perspectives d’avenir.
«A terme, indique Yves Pouliquen, de l’Académie française, une telle découverte a des conséquences pharmaceutiques.» La rétinopathie pigmentaire – 30 000 cas dans l’Hexagone, un million et demi dans le monde –, va peut-être reculer.
J.-A. Sahel apparaît surtout comme le fer de lance de la recherche ophtalmologique en France.
De plus en plus sophistiquée, elle attire un nombre croissant d’ophtalmologistes. «C’est un homme jeune qui va diriger une construction neuve», dit Y. Pouliquen, en faisant référence à l’Institut de la vision, dont la construction devrait être achevée d’ici à 2007. Un site qui permettra d’ «exister sur la carte internationale». Le but avoué est d’atteindre le niveau de nos voisins anglais. Avec un viatique : le continuum entre les recherches fondamentale et clinique.
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