La santé en librairie
Aujourd'hui que les femmes maîtrisent en partie leur fécondité, au moins dans les pays industrialisés et favorisés médicalement, et que les techniques de procréation médicalement assistée ne cessent de se développer, la phase prénatale de la psychiatrie périnatale reste en partie laissée pour compte. Luc Roegiers, pédopsychiatre belge, s'intéresse à cette phase de la vie à l'heure où la grossesse se trouve dans nos sociétés « le produit de choix assumés conjointement par les professionnels de santé et les parents ». De cette réalité découle le fait que les décisions parentales relatives à l'enfant avant sa naissance modifient sans doute le lien prénatal.
« La médicalisation de la grossesse invite à créer des liens ultraprécoces », souligne l'auteur, qui a choisi d'être plus descriptif qu'explicatif du positionnement des couples et du sens qu'ils donnent à leur expérience.
La grossesse incertaine
Plus que jamais, « le futur se construit dès les premiers instants (...) Avec l'accès aux techniques, il faut planifier, il faut décider avant la naissance, avant la perception des mouvements ftaux, avant l'implantation, avant même la conception », dit-il. Pour faire le tour des diverses situations nouvelles et souvent difficiles à laquelle nous sommes confrontés dans le domaine de la conception, de la contraception au don de gamètes ou à la FIV en passant par l'avortement ou le diagnostic prénatal, l'auteur fait le récit des témoignages d'une femme, d'un homme, d'une mère, d'un père ou d'un couple avant de décrypter et d'analyser pour nous ce qui s'est joué à chaque fois dans chaque cas particulier. Les progrès de la médecine procréative, ftale ou néonatale ont permis de juguler certaines difficultés mais ont créé des conditions et un état d'esprit résolument nouveaux vis-à-vis de la conception. Aujourd'hui, la grossesse n'est plus inattendue mais incertaine du fait des multiples questions qu'elle génère. Parmi elles, celle de concevoir ou de ne pas concevoir : « La limite est délicate entre l'espoir ouvert, porteur de dynamisme et l'attente revendicatrice, source de déconvenues », estime l'auteur.
La médecine doit assister et non confisquer, accompagner et non diriger pour faire en sorte que le caractère « incertain de la grossesse puisse être une ressource dans la construction du lien à l'enfant », conclut L. Roegiers.
Grossesse et tabous
On l'aura compris, « même programmé, l'enfant reste une catastrophe », comme disait le psychanalyste Winnicott. Qui ne décourage pas les Français puisque nous sommes, avec un taux de 1,9 enfant par femme, les plus féconds de l'Union européenne ! Le livre de Marie Haddou et Natacha Quintard, toutes deux psychologues, sans donner pour autant une version simpliste de cette aventure, se place du côté de l'optimisme. Tous les aspects de la grossesse sont passés en revue, des relations avec la famille (y compris la belle-mère), à l'AMP (aide médicale à la procréation) en passant par l'adoption ou l'accouchement à domicile. Destiné à aider les femmes à vivre au mieux leur maternité, il propose certes de nombreux conseils utiles mais a surtout choisi de se pencher sur ce qui n'est pas toujours facile à vivre dans cette expérience : ambivalences du désir d'enfant, difficultés engendrées par les bouleversements physiques et hormonaux, relations avec les autres. Il faut réhumaniser la grossesse aujourd'hui trop médicalisée, disent les auteurs et revaloriser la maternité sans pour autant sacraliser bêtement la grossesse. Comme le fait une certaine mode médiatico-publicitaire qui n'aide en rien les femmes, « à croire que la maternité est devenue une mode, et le futur bébé un objet de consommation, au même titre que la voiture, l'ordinateur et le téléphone portable qu'il faut absolument posséder », soulignent-elles.
La grossesse à vue d'oeil
Les Editions Hachette proposent une nouvelle édition de leur « Voyage illustré » au cur de la grossesse et de la naissance. Les photos du Suédois Lennart Nilsson, dont les films documentaires sur le développement du bébé in utero sont bien connus, sont accompagnées de commentaires de Lars Hamberger, professeur de gynécologie-obstétrique à Göteborg. Dans sa préface à cet ouvrage, René Frydman souligne à quel point les images de Nilsson réussissent à rendre l'exactitude biologique tout en faisant rêver. L'utilisation de l'endoscopie, de l'échographie, de techniques optiques sophistiquées, mais aussi du microscope à rayons lumineux ou du microscope électronique à balayage permettent en effet d'obtenir des photos étonnantes.
« La Grossesse incertaine », de Luc Roegiers, Puf, coll. Le Fil rouge, 328 pages, 28 euros.
« Bonjour grossesse », de Marie Haddou et Natacha Quintard, Flammarion, coll. Vivre autrement, 285 pages, 15 euros.
« Naître », de Lennart Nilsson et Lars Hamberger, Hachette, 240 pages, 25 euros.
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