L'effet des jeux vidéo sur la santé, en particulier sur les capacités visuelles, fait l'objet de controverses. Un environnement visuel inhabituel se traduit, le plus souvent, par une modification de l'organisation de l'ensemble des effecteurs participant au discernement des images. L'entraînement régulier par la pratique répétitive d'une tâche à composante visuelle accroît les performances spécifiques en rapport avec la tâche apprise ; mais cette amélioration n'a été démontrée que pour la seule tâche initiale et n'a donc pu être extrapolée à d'autres activités faisant intervenir la vision.
Afin de mieux préciser l'effet des jeux vidéo sur différents compartiments de l'acuité visuelle - les capacités à rester attentif à un objectif initial malgré la mise en place de leurres, l'aptitude à discerner un image présentée pendant un temps très court, les possibilités visuelles du champ périphérique et le couplage attention visuelle/distribution spatiale - des chercheurs de Rochester ont conduit une expérience sur des jeunes adultes, adeptes ou non des jeux vidéos. Les sujets (de 18 à 23 ans) étaient considérés comme des joueurs habituels s'ils avaient passé en moyenne une heure par jour, quatre jours par semaine à jouer durant les six derniers mois.
Phénomènes parasites
Première expérience : tous devaient accomplir une tâche visuelle en faisant apparaître des phénomènes parasites susceptibles de détacher l'attention du but initial. « Les joueurs habituels avaient des capacités d'attention visuelle plus élevées que les non-joueurs, ces derniers étant statistiquement plus souvent distraits de leur tâche initiale par les images annexes », explique C. Green.
Deuxième test : présentation, pendant une durée très brève (50 millisecondes) d'une série d'images contenant de un à dix carrés blancs. Là encore, les scores des joueurs habituels ont été supérieurs.
L'utilisation de consoles de jeux ne faisant intervenir que la partie centrale du champ visuel, on a procédé à un troisième test : une analyse des capacités visuelles situées en dehors de l'aire habituellement stimulée. Le but : reconnaître, parmi des objets projetés dans une zone de vision correspondant à la périphérie du champ visuel, un objet considéré comme cible. Le score des joueurs habituels a été supérieur.
La phase suivante a été focalisée sur les caractéristiques temporales de l'attention visuelle : on s'est fondé sur le fait qu'agir rapidement - comme l'imposent les jeux vidéo - pourrait altérer la capacité du cortex temporal à éviter certains « goulets d'étranglements » de l'attention. Pour cela, les sujets ont dû pratiquer de façon simultanée au moins deux tests à composante visuelle, afin de vérifier les capacités de passage instantané d'une tâche à l'autre. Les joueurs habituels ont encore une fois été les plus performants.
Entraînement
Afin d'écarter tout risque de biais de sélection inhérent aux choix des deux populations, les auteurs ont procédé à une ultime phase d'expérimentations. Ils ont entraîné (une heure par jour pendant dix jours) des non-joueurs au maniement des consoles de jeux afin d'améliorer leurs capacités visuelles et manuelles. Deux groupes ont été constitués : l'un a joué à un jeu de stratégie (Medal of Honor : Allied Assault) dans lequel les participants tenaient le rôle d'une soldat de la Seconde Guerre mondiale au moment du débarquement ; l'autre s'est contenté de Tetris, jeu visuel et moteur datant de la fin des années 1980, dans lequel l'objet de l'attention est unique (la pièce de puzzle à mettre en place). Les scores ont été appréciés à l'entrée dans l'étude et après la phase d'entraînement. Dans les deux cas, ils se sont améliorés avec la pratique. Les auteurs ont aussi fait subir aux participants les mêmes tests de discernement qu'ils avaient proposés initialement et, en fin de phase d'entraînement, les scores moyens des sujets ayant joué aux jeux de guerre se sont révélés meilleurs que ceux des témoins.
« Nature » du 29 mai 2003, vol. 423, pp. 534-537.
Limites repoussées
Pour les auteurs, « le fait de forcer les joueurs de jeux de stratégie à jongler de façon simultanée avec différentes tâches visuelles - détecter des nouveaux ennemis, recherches les ennemis déjà connus, éviter d'être blessé, etc. - permet de repousser les limites de l'attention visuelle dans au moins quatre dimensions objectivables. C'est pour cette raison - bien qu'il semble que l'utilisation de jeux vidéo soit plutôt une tâche récréative ne faisant pas intervenir les capacités intellectuelles - qu'il faut prendre en compte le fait que ce loisir peut entraîner une amélioration des capacités d'attention visuelle ».
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