Théâtre
Faisons tout de suite l'infime réserve que c'est un tout petit peu trop long, que l'auteur ne sait pas comment terminer. Et pire, qu'il n'a aucune raison d'en finir. Qu'il n'y a pas de conclusion.
C'est le seul défaut de cette pièce très étonnante de Roland Schimmelpfennig, auteur allemand contemporain qu'on a découvert en France grâce à Frédéric Bélier-Garcia qui a monté sa « Nuit arabe » en début de saison au Rond-Point.
L'écrivain, qui travaille ici sur l'ellipse, le non-dit, les phrases suspendues, les scènes dérobées, s'intéresse décidément avec une férocité qui n'interdit pas une certaine sympathie pour ses « personnages », à la société urbaine occidentale. Tout un monde. Des trentenaires. Des plus vieux. Petites histoires banales de bureau et de tromperie. De désespérance ordinaire, de pauvres plaisirs et de déceptions ineptes. Fragments. Eclats. L'insolite est si proche du plus prosaïque...
Michèle Foucher, qui s'appuie sur la très précise et efficace traduction de Laurent Muhleisen et un décor idéal de Serge Marzolff - boîte à pièces changeantes, déplacements latéraux de l'action, surimpression - signe une mise en scène tonique, caustique qui rappelle l'esprit TNS.
Elle mêle comédiens professionnels et amateurs. Un très beau travail, homogène et heureux. Bien sûr l'intelligence dévastatrice et l'immense talent d'une Luce Mouchel explosent dans ce registre caustique, mais ici, franchement, tout le monde est bien et s'il y a parfois quelque chose d'appliqué, de précautionneux dans la façon qu'ont certains acteurs de s'exprimer, cela donne un supplément de profondeur aux personnages de Schimmelpfennig.
C'est drôle, féroce. Terriblement féroce parfois. Mais jamais dégradant. Ce qui force l'admiration, c'est la manière d'écrire de cet auteur très intéressant, décidément.
Théâtre national de la Colline, petite salle, à19 heures le mardi, 21 heures du mercredi au samedi, 16 heures le dimanche (01.44.62.52.52). Jusqu'au 20 juin. Durée : 2 h 10 sans entracte.
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