Né au Chili, contraint à l'exil par le coup d'Etat de 1973, Raul Ruiz est un cinéaste prolifique et tout sauf réaliste. Après « le Temps retrouvé », d'après Proust, et « les Ames fortes », d'après Giono, il retrouve une inspiration plus personnelle en inventant une histoire de fous aux multiples sens.
Ce jour-là doit être, l'innocente Livia en est convaincue, le plus beau jour de sa vie. Livia est gentiment folle, elle n'a pas de mémoire immédiate ni de conception précise de la réalité. Et ce jour-là, sa rencontre avec le tueur psychopathe Emil Pointpoirot va faire des étincelles.
Deux fous pour un massacre dans une Suisse pas tout à fait irréelle ( « la Suisse dans un proche avenir », dit le film), où les militaires sont partout et où l'Etat complote autant que la famille de la riche héritière qu'est Livia. Fable politique et film policier, « Ce jour-là » est ainsi une vision décapante des méfaits de la mondialisation. Les institutions, famille, police, hôpital psychiatrique, malgré leurs apparences habituelles, n'existent qu'au service du pouvoir financier. Mais ce sont les innocents, les fous, qui survivront.
La mise en scène inspirée de Raul Ruiz se met au service du jeu de massacre, réel et symbolique. Dans le parc embrumé ou dans la belle maison aux nombreux recoins, le cinéaste emprisonne ses personnages avec des cadrages et une chorégraphie de haute précision. Et comme plus on est de fous, plus on rit, il ne sacrifie aucun des protagonistes de cette délirante histoire. D'où une distribution particulièrement riche. Elsa Sylberstein, bien dirigée par un réalisateur qui lui a parlé de « l'Héritière », de Wyler, et d'« Alice au pays des merveilles», joue à merveille l'innocence et la folie douce. Bernard Giraudeau compose soigneusement son psychopathe poète ; « J'ai fait cent films en un », dit-il pour rendre hommage au metteur en scène. Et puis Jean-Luc Bideau et Christian Vadim - un inénarrable duo de flics -, Jean-François Balmer, Rufus, Laurent Malet, Feodor Atkine, Edith Scott, Michel Piccoli, on ne peut les citer tous. Ils contribuent à rendre ce jour mémorable.
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