Jusqu’où se terminera la course ? Alpiniste chevronné, Jérôme Nouzarède, 47 ans, a certes le profil de premier de cordée. Ancien élève de polytechnique, son groupe tutoie les sommets de l’hospitalisation privée. Le chiffre d’affaires d’Elsan est désormais proche du leader Ramsay-Générale de Santé. Mais cette ascension pour être exemplaire est le fruit d’un stage raté, d’une ambition contrariée. Au lieu de rêver d’une brillante carrière dans l’industrie, l’élève de l’École des mines choisit comme premier terrain de stage le ministère de la Santé. Il se voit bien préparer l’Ena. Mais c’est le choc. « Je découvre une organisation bureaucratique. Il n’y a pas de travail d’équipe. Je décide sur-le-champ d’arrêter ma préparation au concours de l’Ena. » La haute administration perd un brillant élément qui n’abandonne pas pour autant le secteur de la santé. Simplement Jérôme Nouzarède décide de terminer ses classes à la faculté de Dauphine. Et obtient un DEA. Les dés sont jetés. Le jeune homme intègre la Générale de Santé sous la présidence de Daniel Caille. Une amitié solide se noue plus tard avec un médecin bordelais Michel Bodkier, spécialiste en médecine vasculaire. Tous les deux achètent une première clinique en 2001. Le droit à l’erreur n’était pas envisageable. « J’avais hypothéqué la maison familiale. » Faut-il pour autant reprendre l’image traditionnelle de l’amitié solide comme un roc entre les deux associés ? Dix-sept ans plus tard, ils partagent tout, y compris le même bureau. Jupiter s’étonnerait de cette dilution du pouvoir. L’observateur guette en vain des signes ostensibles de réussite, sinon l’adresse dans la rue très chic, rue de la Boétie, à deux pas de Sanofi. Comment s’arbitre au quotidien l’inévitable rivalité ? Elle n’interdit pas le parler-vrai entre les deux patrons. « Jérôme souhaite tout contrôler, y compris le contenu d’un communiqué de presse qui ne sera même pas lu par les journalistes », lance le Dr Michel Bodkier. Comme le disait un moraliste du XIXe siècle, l’amitié permet d’abord de supporter les défauts de ses amis.
Aujourd’hui, l’aventure continue. En juin dernier, la famille Bettencourt par l’intermédiaire du fond Téthys a pris 15 % du capital. Le fils du directeur d’une concession Volkswagen, père de quatre enfants, a bien changé d’univers. Jérôme Nouzarède ne manque pourtant jamais de rappeler la cohérence du parcours, des actes, comme s’il enrôlait Montaigne, rappelant la belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble. Secret, réservé, grand lecteur, le co-patron multiplie désormais les interventions publiques. Dans cet environnement difficile où se meuvent les cliniques, ce n’est certes pas pour prendre le temps de regarder le chemin parcouru. La montagne, dit-on, n’est ni juste, ni injuste, elle est dangereuse. Simplement, comme le conseille un proverbe chinois, quand tu es arrivé au sommet de la montagne, continue de grimper. Jusqu’où se terminera alors la course ? À quel sommet ?
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