SANS ATTENDRE le «grand débat sur le financement de la santé», promis le 18 septembre par Nicolas Sarkozy, et dont les conclusions seront tirées au premier semestre de 2008 (« le Quotidien » du 20 septembre), la Mutualité française (FNMF, qui fédère la quasi-totalité des mutuelles santé) annonce la couleur. Son président, Jean-Pierre Davant, invité des « Amphis de la santé » (1), a expliqué qu'il acceptait d'engager «sans tabou» la discussion sur «la frontière» entre solidarité nationale et responsabilité individuelle, à deux conditions. La première porte sur le champ d'intervention. «Si demain nous [mutuelles] devons prendre en charge des territoires nouveaux, explique-t-il, ce ne seront en aucun cas des territoires en marge de la santé comme l'optique et le dentaire», des domaines où l'intervention des complémentaires est déjà prépondérante. En clair, les mutuelles refusent d'être cantonnées à la périphérie de l'offre de soins ; d'ores et déjà, la Mutualité se positionne sur la prévention, les pathologies lourdes, comme le cancer et les maladies cardio-vasculaires, ou encore les addictions (c'est la démarche du parcours de santé mutualiste qui sera rodé dès 2008). Le sort des ALD sera «un élément des discussions qui vont s'ouvrir».
La deuxième condition posée par Jean-Pierre Davant est de «participer à la gestion du risque, avec des critères jugeant la pertinence et la qualité des soins». Ce qui suppose «au minimum» l'accès des complémentaires aux données de l'assurance-maladie.
Le président de la Mutualité française fait le constat que le système de soins français connaît une «perte de qualité préoccupante» en raison d' «une absence de transparence et d'évaluation des pratiques et des techniques». Pour y remédier, la Mutualité a-t-elle l'intention de certifier des établissements, des services ou même des professionnels partenaires ? «Il ne faut pas tomber dans un travers, précise Jean-Pierre Davant. Ce n'est pas à nous de juger la qualité des soins.» La Mutualité fondera ses décisions sur l'expertise d'organismes indépendants. Jean-Pierre Davant glisse à cet égard que «la HAS pourrait faire plus, pourrait faire mieux...».
Le bouclier sanitaire, idée généreuse.
En attendant le débat de fond sur le financement de la santé, il faut réagir aux urgences. Les franchises, inscrites dans le PLFSS 2008 ? La Mutualité réclame leur suppression. Elle veut croire que le débat parlementaire fera bouger les lignes. Les mutuelles prendraient-elles en charge ces franchises ? «Le gouvernement fait tout pour qu'on ne les rembourse pas», constate Jean-Pierre Davant. De fait, la décision d'une mutuelle de rembourser les franchises signifierait la perte des avantages fiscaux dont bénéficient les contrats santé « responsables » (90 % des contrats). En cumulant le surcoût des franchises (3 %) et la fiscalité alourdie (7 %), la hausse des cotisations pourrait atteindre «10%», selon Jean-Pierre Davant. «Les complémentaires y réfléchiront à deux fois», résume-t-il.
Quant au bouclier sanitaire, projet qui a pour objectif de plafonner les restes à charge supportés par les patients sur la dépense remboursable, mais que le gouvernement a renvoyé au plus tôt à 2010, il laisse sceptique le patron de la Mutualité : «Une idée généreuse déconnectée de la réalité». La raison ? Les restes à charge liés aux dépassements tarifaires ne sont pas pris en compte dans le bouclier. Or, accuse Jean-Pierre Davant, «les dépassements sont la règle». Autrement dit : pour la Mutualité, il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs et la priorité consiste à réorganiser l'offre de soins.
(1) Organisés conjointement par l'Association des cadres de l'industrie pharmaceutique, Essec Santé et « le Quotidien du médecin ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature