Il aura suffi de deux déclarations de cardinaux pour que la rumeur récurrente sur la démission de Karol Wojtyla de son magistère de pontife romain embrase illico les médias internationaux. Jean-Paul II « réfléchit lui-même » sur cette possibilité de démissionner, a déclaré le cardinal hondurien Oscar André Rodriguez Maradiaga. « Je fais confiance au pape pour avoir le courage et la force de le dire, au cas où il aurait le sentiment de ne plus être capable de diriger l'Église avec responsabilité », a estimé de son côté le cardinal Karl Lehmann, président de la conférence épiscopale allemande.
Reposé et lucide
Peu après, le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro Valls, qui est aussi médecin, est monté au créneau pour démentir les rumeurs déclenchées par les deux déclarations cardinalices : « Comme il l'a dit lui-même, le pape gouvernera l'Église autant que Dieu le voudra », a-t-il déclaré.
De fait, samedi dernier, à l'occasion des festivités organisées pour ses 82 ans devant quelque 7 000 convives (des frères des écoles chrétiennes venus à Rome pour leur troisième centenaire, qui ont chanté « Bon anniversaire, Saint Père »), le pape s'est montré, selon l'AFP, « reposé, lucide et parlant d'une voix claire », tandis qu'en d'autres occasions récentes il s'exprimait « d'une voix basse et peu compréhensible ».
Pour autant, « le risque demeure », ainsi que le titrait « le Quotidien » en manchette de ses éditions du 15 mai... 1981. Jusqu'alors, depuis son élection de 1978, Karol Wojtyla faisait figure de pape athlétique, s'adonnant volontiers aux sports de montagne (ski, alpinisme). Mais après l'attentat de la place Saint-Pierre, perpétré le 13 mai par le Turc Ali Agka, qui a occasionné trois blessures par balles, dont l'une à l'abdomen, la litanie médicale sur Jean-Paul II n'a jamais cessé. Pour s'en tenir aux principales dates de cette éphéméride, il faut citer :
- la maladie à inclusions cytomégaliques qui a entraîné une fièvre rebelle aux antibiotiques en juin 1981, avec une inflammation de la plèvre du poumon droit. L'hospitalisation a été nécessaire pour ce qui s'est avéré être un syndrome post-transfusionnel chez un sujet qui avait subi des transfusions abondantes ;
- l'opération, en août de la même année, destinée à rétablir la continuité après la colostomie provisoire effectuée après l'attentat de la place Saint-Pierre ;
- l'opération d'une tumeur colique bénigne en juillet 1992. Sans rapport avec l'attentat comme on l'avait tout d'abord avancé, il s'agissait d'un adénome sigmoïdien pour lequel il fut procédé à une résection colique. Dans le même temps, les chirurgiens de la polyclinique Gemelli (Rome) ont effectué l'ablation de la vésicule biliaire ;
- la réduction sous anesthésie générale d'une fracture de l'extrémité supérieure de l'humérus droit, à la suite d'une chute accidentelle, en novembre 1993. L'épaule est restée ensuite immobilisée pendant quatre semaines par un bandage. Selon diverses études épidémiologiques, cette fracture témoigne d'une coordination motrice de bonne qualité grâce à laquelle le sujet, avec l'effet dit « parachute » du membre supérieur, évite la fracture du col du fémur ;
- la réduction, toujours sous anesthésie générale, d'une fracture du col du fémur à la suite d'une chute survenue dans sa salle de bains, en mai 1994. Il s'agissait d'une fracture cervicale vraie, de type sous-capital, ce qui veut dire que la fracture siégeait juste à la jonction entre le col et la tête du fémur ;
- les premières atteintes de la maladie de Parkinson, rapportées en 1994 par le journal espagnol « Diario 16 », lequel citait un jésuite. D'autres rumeurs circulent simultanément, faisant état d'un cancer osseux et affirmant que le tumeur digestive opérée en 1992 était en fait maligne. Le directeur du département d'anesthésie de la clinique Gemelli ajoutait, pour couronner le tout, des troubles psychologiques : « Si vous êtes un homme de paix et que vous voyez une balle tirée contre vous, les conséquences seront profondes sur votre psychisme, mais pas tout de suite évidentes », observait le Pr Corrado Manni, cité par « The European »
-l'appendicectomie effectuée en septembre 1996 à la suite de « phénomènes phlogistiques récurrents de l'appendice, qui avaient entraîné des accès transitoires de douleur abdominale associée à de la fièvre » (communiqué du Dr Renato Buzzonetti, médecin personnel du pape). Selon un journal italien, le pape paraît très affaibli, souvent à la limite de l'endurance ;
- une arthrose du genou droit pour laquelle une rumeur d'intervention a été démentie officiellement en mars dernier. Le protocole du Vatican a été modifié pour s'adapter aux souffrances de Jean-Paul II. C'est ainsi que, pour éviter les déplacements douloureux, le pape reçoit généralement ses visiteurs dans une petite salle adjacente à la salle Paul-VI où se déroulent les audiences générales. Alors qu'il se tenait il y a encore quelque temps derrière son bureau et se levait pour accueillir et raccompagner ses hôtes, c'est désormais sans bouger, installé sur une chaise élégante et confortable qu'il les reçoit.
Fonctions intellectuelles conservées
Jean-Paul II continue a être traité pour le syndrome de Parkinson dont il est souffre depuis plusieurs années. D'après le Pr Bruno Dubois, neurologue à la Pitié-Salpêtrière, la maladie n'empêche pas les sujets correctement soignés de mener une existence quasi normale : « Le cerveau est soumis à une déficience de l'hormone cérébrale appelée dopamine, diminuant la motricité des membres. L'évolution peut aller jusqu'à une grande impotence des membres, mais dans 90 % des cas, les fonctions intellectuelles sont totalement conservées ». Ces troubles sont maîtrisés grâce à un neuromédiateur (L-dopa) de courte durée d'action, qui nécessite des prises rapprochées.
De fait, l'agilité mentale du Saint-Père semble intacte, l'AFP rapportant par exemple qu'il s'est exprimé sans peine la semaine dernière dans la langue de Cervantes en recevant le président chilien, Ricardo Lagos.
« Je compte sur votre aide spirituelle pour continuer à accomplir avec fidélité la charge que Dieu m'a assignée », a encore déclaré Jean-Paul II, toujours la semaine dernière, à des pèlerins. Des paroles qui n'augurent certes pas d'une démission, à la veille, en outre, d'un voyage en Azerbaïdjan et en Bulgarie et alors que le déplacement à Toronto (Canada), reste officiellement prévu, à l'occasion des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ).
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