LE QUOTIDIEN
Depuis son arrivée, le ministre de la Santé vit une sorte d'état de grâce. Même l'annonce du PLFSS ne fait guère de vagues. N'est-ce pas une situation très délicate pour l'opposition ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Depuis son entrée en fonction, c'est un fait, Jean-François Mattei a distribué pas mal d'argent, sans contrepartie. Il a aussi beaucoup communiqué, mais a reporté à demain l'examen de la plupart des sujets de fond. Dans un an, on se souviendra surtout des non-décisions de la fin de l'année 2002. Mais le plus grave, c'est la grande ambiguïté de l'orientation politique actuelle. Certes, on supprime la maîtrise comptable pour les médecins, mais c'est pour la mettre entièrement sur le dos des patients.
Vous dites aux assurés que le réveil sera douloureux ?
Oui, mais je ne le dis pas seulement aux assurés. En fait, le gouvernement qui est confronté à la réalité économique, doute de sa propre politique, il hésite beaucoup, y compris dans ses relations avec les professions médicales.
Un seul exemple : le plan médicament. Les mesures annoncées, comme le forfait générique, tournent le dos à la maîtrise médicalisée dont l'accord de juin, avec les généralistes, devait être un élément (revalorisation du C en échange d'un engagement à prescrire en DCI et en génériques). La seule réalité aujourd'hui, c'est le déficit du régime général de 3,3 milliards d'euros en 2002 et, nous dit-on, de 3,9 milliards l'année prochaine. Personnellement, je crois que ces chiffres sont très optimistes. Dès lors, comment va-t-on financer ? Pour l'instant, je vois des gages systématiques donnés au corps médical mais aucune maîtrise. C'est plutôt de la non-maîtrise. Cette situation ne pourra pas durer.
Médecins : un rôle de police
Jean-François Mattei affirme précisément qu'il veut responsabiliser l'ensemble des acteurs du système.
Moi aussi, je suis pour la responsabilisation de tous. Mais ce que je perçois, avec la réforme de la visite et le débat sur le panier de soins, c'est la tentation de faire jouer au corps médical un rôle de police vis-à-vis des patients. C'est très dangereux et surtout sans avenir. On ira vers le même échec que celui de la maîtrise comptable.
Que proposez-vous ?
La seule voie, qui est effectivement très étroite, c'est une vraie maîtrise médicalisée et des responsabilités à égalité. Là, ce n'est pas le cas : le gouvernement se contente de changer de cheval. Après le tout-pression sur les médecins, c'est le tout-pression sur les assurés, via le corps médical. Sans doute fallait-il, comme le gouvernement l'a fait, discuter et signer des accords tarifaires. Mais il faut aussi du courage politique. On va se retrouver au début de l'année 2003, et il n'y a pas de réforme du système.
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