Le Généraliste. Vous avez demandé l’ouverture des salles de consommation à moindre risque, pourquoi ?
Jean-Marie Le Guen. L’idée de mettre en place ces salles de consommation à moindre risque est issue d’un travail réalisé depuis deux ans par des experts, des élus, des associations à Paris, Saint-Denis, Marseille et dans d’autres villes, travail corroboré par une expertise de l’Inserm. Ces salles de shoot répondent aux besoins sanitaires de ces populations en situation de très grande précarisation. C’est aussi une réponse au problème de la réduction des risques qui sont présents dans nos rues, qui sont des scènes ouvertes, où ces personnes s’injectent de la drogue de façon publique et dans des conditions d’indignité. Ces salles seront encadrées par des protocoles stricts qui assureront leur fonctionnement. Différents professionnels de santé, médecins et infirmiers, interviendront à la demande de cette population.
Quel est le bilan des expériences qui existent à l’étranger ?
J.M.L.G. Il y a eu des résultats positifs : on a observé une diminution des overdoses, et une amélioration des conditions d’injection et des risques de surinfection ainsi que des risques d’infection aux pathologies associées. On a également constaté un apaisement des quartiers difficiles concernés.
Des syndicats de policiers s’interrogent sur la sécurité autour de ces salles, les riverains s’inquiètent et cette expérimentation ne fait pas l’unanimité dans le monde médical. Que répondez-vous à ces critiques ?
J.M.L.G. Ce qui a été constaté au cours des expériences qui se sont déroulées à Genève ou Bilbao, c’est une amélioration des conditions sanitaires et de sécurité. De plus, ce qui m’est apparu lors de mon déplacement en Espagne, c’est que les élus de tous les bords politiques étaient consensuels sur ce sujet. Concernant l’avis négatif de l’Académie de médecine, les prises de position idéologiques ne me déterminent pas. Ce qui m’intéresse c’est l’Evidence Based Medicine.
Légaliser ces salles de consommation à moindre risque, est-ce le constat d’un échec des médicaments de substitution ?
J.M.L.G. Les personnes qui utilisent les médicaments de substitution font partie d’une population moins précarisée que celles qui sont concernées par les salles de consommation à moindre risque. Ce n’est pas le même type de population. Ces salles ne s’adressent pas à ce type de population. Il n’y a pas une réponse globale à la toxicomanie, mais adaptées à chaque catégorie de cette population.
Comment voyez-vous la place du généraliste dans la prise en charge d’un patient toxicomane ?
J.M.L.G. Le médecin généraliste est installé dans les programmes de substitution. Son rôle est stabilisé, il doit être conforté. Il n’est pas directement impacté par cette mesure qui concerne une population
qui n’a plus de lien avec la société.
Êtes-vous favorable à un débat sur la loi de 1970 qui pénalise en France l’usage de tous les stupéfiants ?
J.M.L.G. Ce qu’on a constaté depuis 5 ans, c’est qu’en parallèle du tout répressif la consommation de drogue a progressé. Nous sommes face à une situation d’échec des politiques en matière de lutte contre
la toxicomanie. Il serait temps que la communauté scientifique se positionne et que la société se questionne sur l’échec des politiques qui ont été menées ces dernières années sur ce thème.
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