C'EST UN AVERTISSEMENT clair et net au gouvernement avec cachet de la poste et accusé de réception.
Une semaine après que la CSMF a dénoncé «un PLFSS 2008 de casseurs [projet de loi de financement de la Sécurité sociale] », sa branche spécialiste, l'UMESPE (38 % des voix dans ce collège aux élections professionnelles de 2006) enfonce le clou en plaçant la riposte médicale sur le terrain politique.
«La situation actuelle est déplorable, tempête le président du syndicat Jean-François Rey. Depuis trois ans, on renouait le fil de la confiance, mais nous sommes en train de revenir dans le climat de défiance du plan Juppé. Si le gouvernement continue sur cette voie, il ira droit dans le mur. Je rappelle que, après 1995, il y avait eu 1997…»
D'ores et déjà, à cinq mois des élections municipales, le syndicat a écrit aux députés et aux sénateurs maires de la majorité pour les alerter surle «changement de logique» en cours. Et les risques à la clé. «Si le gouvernement veut la lutte, il l'aura», ajoute le Dr Rey, pour qui «les énarques et les inspecteurs des finances» ont décidément repris la main .
Liberté d'installation : le « CPE de Fillon » ?
Les raisons de la colère des spécialistes confédérés ne manquent pas.
La démographie des spécialistes, d'abord : elle serait «en grand danger», à l'heure où l'attention se concentre pourtant sur la médecine générale. Des maternités qui manquent de pédiatres et «ne répondent plus aux normes», des effectifs de psychiatres «en chute libre», une pédopsychiatrie «en déshérence», un manque de formation criant en médecine interne, des risques aussi en anesthésie… : pour l'Umespe, l'Etat inconséquent est le «premier fautif» d'une situation qui ne s'améliore pas. Dans ce contexte, l' «atteinte» à la liberté d'installation serait le signal négatif de trop envoyé à la nouvelle génération. «François Fillon est en train de faire avec les étudiants en médecine la même erreur que Villepin avec le CPE, estime le Dr Rey. Une politique antijeunes qui suscite un fort sentiment d'injustice.» L'UMESPE «soutient» donc sans réserve le mouvement des internes et des chefs de clinique, sans toutefois inviter les médecins installés à rejoindre la contestation.
La menace, réelle ou supposée, sur la liberté d'installation ne serait qu'un indice de la politique autoritaire qui se prépare pour la médecine de ville. Pour l'UMESPE, le PLFSS 2008 en l'état risque de ruiner la politique contractuelle (avec l'instauration de mécanismes de régulation automatique permettant au gouvernement de geler pendant un an les accords tarifaires) ; de mettre à mal le conventionnement national (en ouvrant la voie au conventionnement individuel des médecins) ; ou encore d' «accentuer la dérive hospitalo-centriste». «Le gouvernement ne considère la médecine spécialisée libérale qu'à travers l'exercice hospitalo-universitaire, se désole le Dr Rey. Nous ne serons pas les sapiteurs des besoins hospitaliers.» Et de déplorer au passage que les divers plans de santé publique n'intègrent pas davantage les spécialistes de ville. «Quelle sera la place des neurologues libéraux dans le plan Alzheimer?», interroge le président de l'UMESPE.
Les futures agences régionales de santé (ARS), dont le périmètre n'est pourtant pas défini (plusieurs missions ont été lancées), nourrissent également l'inquiétude. Le risque serait que des ARS n'accordant qu'un «strapontin» aux libéraux conduisent à une «mainmise sur la médecine spécialisée».
L'UMESPE ne noircit-elle pas le tableau ? Pour Jean-Luc Jurin, psychiatre et premier vice-président de l'UMESPE, les faits sont têtus : «Les mesures sur la démographie, les ARS, les stabilisateurs économiques… tout cela converge vers la mise sous tutelle de la médecine spécialisée libérale.»
Un plan pour trois ans.
Pour sortir de l'ornière, l'UMESPE demande au gouvernement de donner à la profession une «lisibilité» pour les trois prochaines années (jusqu'au terme de la convention actuelle) ; ce qui passe déjà par la suppression du PLFSS des mesures jugées provocatrices. A court terme, le syndicat suggère au gouvernement d'organiser un «Ségur de la démographie» dès le premier trimestre de 2008 , où seraient conviés tous les représentants de la profession (pas seulement les syndicats signataires de la convention).
Enfin, l'UMESPE a remis à la ministre de la Santé son «Livre blanc de la médecine spécialisée libérale». Cet opus de 60 pages met notamment l'accent sur la réforme des consultations (CCAM clinique) et le secteur optionnel, deux réformes complexes toujours dans les placards.
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