« L'HOMO SEDENS », pour reprendre la formule de Jean-François Mattei, se met en danger. La campagne pour promouvoir l'activité physique veut tenter de l'interpeller. Les arguments médicaux ne manquent pas : la sédentarité est un facteur aggravant bien connu par exemple pour les maladies cardio-vasculaires. Selon un rapport de l'European Heart Network*, les populations inactives ont environ deux fois plus de risque de présenter ces pathologies.
La réduction du risque de cancers du côlon, selon une dizaine d'études cas-témoins et de cohorte, est aussi corrélée à l'activité : elle est réduite de 60 % lorsqu'on compare les sujets à activités physiques importantes et les sédentaires.
Pour le diabète de type 2, plusieurs études permettent aujourd'hui de dire qu'il est possible de prévenir l'apparition de la pathologie dans des populations à haut risque grâce à des mesures hygiéno-diététiques. L'effet protecteur de l'activité physique sur la prévention du diabète est observé, même pour des activités modérées de la vie quotidienne, telle la marche.
Dans la prévention de l'ostéoporose, l'activité physique est encore déterminante en permettant d'augmenter la densité minérale osseuse, avec une diminution du risque de fracture du col du fémur chez la femme qui peut atteindre 50 %.
Temps passé devant la télé et apparition de l'obésité.
Evidemment, l'activité physique prévient la prise de poids. Dans un grand nombre d'études transversales, une association négative a été retrouvée entre le niveau habituel d'activité physique et des indicateurs d'obésité.
Cet impact de l'activité physique sur la charge pondérale contrebalance la tendance à la diminution de l'apport énergétique total, ainsi que des apports lipidiques observés dans de nombreux pays industrialisés, en suscitant l'augmentation constante des cas d'obésité qu'on y dénombre. En France, 5,3 millions d'adultes sont obèses et 14,4 millions de personnes sont en surpoids, d'après l'étude Obépi 2003, soit, souligne Jean-François Mattei, près de 20 millions de personnes.
Des études ont établi que le temps passé à regarder la télévision durant l'enfance peut être considéré comme prédictif d'une apparition de l'obésité dès l'adolescence. Une étude (Robinson, 1999) a même fourni une démonstration expérimentale de la relation entre le temps passé par l'enfant devant le petit écran et l'augmentation de sa masse adipeuse.
La prescription d'une activité physique minimale s'impose donc. Et c'est l'équivalent de trente minutes de marche rapide chaque jour qui a été retenu comme critère par le Pnns. Selon le baromètre Santé Nutrition 2002, 34,3 % des 12-75 ans n'atteignent pas ce seuil. Une proportion qui passe même à 41,5 % chez les hommes âgés de 35 à 60 ans et à 50,1 % chez les femmes de la même tranche d'âge (étude Suvimax, 2000).
La signature de la campagne « Notre corps a faim de santé » a pour objectif de « lier l'alimentation et l'activité physique par l'emploi d'une expression à double sens ».
L'idée, précisent les responsables du Pnns, n'est pas de valoriser une pratique sportive intensive, mais de montrer qu'en montant un escalier au lieu de prendre l'ascenseur, ou en faisant du vélo plutôt qu'en utilisant sa voiture, on peut atteindre aisément cet étalon des trente minutes de marche rapide.
Afin que nul n'en ignore, un triple dispositif médiatique a été retenu. Depuis hier, et jusqu'à dimanche, la presse quotidienne nationale publie des visuels qui se veulent « interpellants » : des photos de canapé, de télévision et de charentaises, autant d'activités à hauts risques, selon le message. La télé prendra le relais jusqu'au 14 mars, avec des films diffusés sur toutes les chaînes (hertziennes, câble et satellite) autour de tranches de vie entre des enfants débordants d'énergie et leurs parents, au tempo un peu plus sédentaire. Les téléspectateurs seront exhortés à ne pas perdre l'envie de bouger en grandissant.
Inculquer cette arithmétique des trente minutes par jour.
Simultanément, des spots radio distilleront des illustrations cadrées sur des situations quotidiennes, pour inculquer cette arithmétique des trente minutes par jour : « En allant travailler, décider de descendre du bus un arrêt plus tôt : 10 minutes ; prendre les escaliers à la place des escalators dans une journée : 7 minutes ; aller chercher le pain à vélo plutôt qu'en voiture : 13 minutes. »
Le compte semble facile à atteindre. Mais même si, bon public, Jean-François Mattei confie que, depuis son arrivée avenue de Ségur, il s'est toujours abstenu de prendre l'ascenseur pour accéder à son bureau (4e étage), ou à son appartement personnel (7e), la demi-heure fatidique, reconnaît-il, n'y est pas. Le combat contre les escalators est donc lancé. Des signalétiques vont bientôt décorer les stations de métro pour appeler le public à la lutte antisédentarité. A Paris comme dans les grandes villes, des oriflammes vont orner les escaliers mécaniques avec des questions mobilisatrices : « Et si vous preniez plutôt l'escalier ? », « Et vous, combien de marches allez-vous grimper aujourd'hui ? », « Et vous, combien de temps allez-vous marcher aujourd'hui ? »
Les médecins sont aussi appelés à sensibiliser le public aux vertus du footing de santé publique ; plus de 5 000 médecins du travail vont recevoir des kits de communication, avec des stickers, affiches et livrets d'information, ainsi qu'un jeu questions-réponses.
* Physical activity and cardiovascular disease prevention in the European Union, décembre 1999.
Du repassage aux sports de combat
Le National Institute of Health a publié (« NIH Publications » n° 00-4084, octobre 2000) un classement des activités physiques selon leur niveau d'intensité :
- intensité très faible : augmentation du temps passé debout, cuisine, repassage, jeu d'un instrument de musique ;
- faible : marche lente (4 km/h), petits travaux de ménage, entretien mécanique, pétanque, voile, golf, tennis de table (en dehors de la compétition) ;
- modérée : marche rapide (6 km/h), jardinage léger, port de charges de quelques kilos, danse de salon, vélo, natation « plaisir » ;
- élevée : marche en côte, bêcher, déménager, jogging (10 km/h), saut à la corde, football, basket-ball, sports de combat.
L'activité de référence est la marche rapide, ou marche « d'un bon pas », mais d'autres activités peuvent être proposées en fonction des préférences, des habitudes et des possibilités (âge, handicap...).
Les médecins anglais appellent à la mobilisation
Dans un rapport commun publié mercredi, les experts du Collège royal des médecins généralistes, de la Faculté de santé publique et du Collège royal de pédiatrie, trois des principaux organismes de médecins britanniques, appellent le gouvernement à prendre des mesures rapides pour contrer les « conséquences terrifiantes de l'épidémie » d'obésité qui ne cesse de gagner du terrain. Faute d'un ambitieux programme national, « au moins un adulte sur trois sera obèse en 2020 », affirment-ils. En 50 pages, ils font un certain nombre de recommandations : meilleure éducation des enfants, campagne pour promouvoir l'exercice physique, meilleur étiquetage des aliments et modification de la publicité.
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