En déroulant, une fois de plus, le film du drame de l'été qui a causé 14 802 morts, Jean-François Mattei s'est livré devant la commission d'enquête parlementaire à un nouvel exercice de pédagogie. Avec, comme en septembre devant la mission d'information parlementaire (« le Quotidien » du 15 septembre), un axiome sur lequel il a d'abord insisté : ne pas céder à « l'illusion rétrospective », ce biais qui « conduit à juger une situation ou une décision en fonction de la connaissance que l'on a de l'évolution ultérieure ».
Cette précaution méthodologique étant prise, le ministre de la Santé a pu réaffirmer sa certitude de n'avoir commis, à aucun moment, aucune faute. Ni lui-même, ni son cabinet, a-t-il ajouté en réponse à Claude Evin, le président (PS) de la commission, en démentant tout dysfonctionnement au sein de ses collaborateurs directs.
Crise structurelle
Pas de fautes, donc, juste des erreurs : cette « catastrophe naturelle sans précédent a été doublée d'une crise structurelle qui est intervenue sans que le pays y soit en rien préparé ». Plus précisément, Jean-François Mattei incrimine le « cloisonnement » des différentes administrations du ministère de la Santé (DGS, veille sanitaire, hôpitaux), de celui de l'Intérieur (pompiers, Sécurité civile) et des Affaires sociales (maison de retraites).
En tout état de cause, le ministre juge ces erreurs « évidentes » et, a priori, il les assume. Mais c'est pour ajouter qu'elles « n'ont rien changé au nombre des victimes de la canicule ».
« Aucun parallèle » ne peut être fait avec le scandale du sang contaminé, a-t-il donc rétorqué au député Jean-Paul Baquet (PS, Puy-de-Dôme), qui lui rappelait qu'à l'époque il en avait appelé à la démission des ministres en place : « Ces propos étaient dans un contexte, et ce contexte n'est plus le même », a souligné M. Mattei, tout en reconnaissant qu'il avait été depuis « démenti par la justice. »
Interrogé par un député membre de la commission d'enquête, il a refusé de « faire repentance » : « Pour se repentir, il faut avoir le sentiment d'avoir commis une faute, ce n'est pas mon cas », a-t-il insisté.
La grande misère de la santé publique
Intervenant dans la foulée de son ex-patron, le Pr Lucien Abenhaïm, démissionnaire de la direction générale de la Santé pour cause de désaccord dans le fond et sur la forme avec son ministre, ne pouvait que revenir sur la grande misère de la santé publique en France, selon lui principal facteur aggravant du drame : « Quarante ans après la fondation des centres de contrôle des maladies américains, nous n'avons toujours pas de réseau national de santé publique, a-t-il martelé, et au moment de la crise il y avait seulement 50 médecins inspecteurs sur le terrain. »
Dans ces conditions de pénurie financière et humaine, l'ex-DGS juge qu' « il ne faut pas s'étonner que de telles catastrophes surviennent ».
De surcroît, « le modèle sur lequel nous travaillions n'était pas le bon, notre seuil d'alerte n'était pas le bon. Il était fixé à 40 degrés, c'était trop. »
Interrogé sur les leçons à tirer pour l'avenir, le Pr Abenhaïm a plaidé pour une « climatisation généralisée » du pays. « C'est la seule solution, a-t-il affirmé, comme le chauffage en hiver. Si les hôpitaux, où sont morts 2 500 personnes cet été, avaient été climatisés, il n'y aurait eu que 40 décès, et si les maisons de retraite, où 5 000 personnes âgées ont perdu la vie, l'avaient été, il n'y aurait eu que 100 morts. »
Au final, le ministre et le directeur se sont rejoints pour estimer que « si une alerte significative avait eu lieu, tout aurait fonctionné. »
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