DANS SON DERNIER livre (*), l’économiste Jean de Kervasdoué revient une fois de plus sur son thème préféré, à savoir les maux du système de soins français qui le rendent très coûteux et le menacent d’une faillite. Le professeur du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) s’efforce de réhabiliter sa discipline, mal aimée dans le secteur sanitaire, sans mâcher ses mots. « Ainsi la profession médicale a-t-elle réussi à imposer la géniale - de son point de vue - distinction sémantique entre "maîtrise comptable" et "maîtrise médicalisée" des dépenses de soins, écrit-il. Peu importe que soit qualifié par elle de "médical" ce qui sert ses intérêts et de "comptable" ce qui lui nuit ». Jean de Kervasdoué souligne que l’économie ne saurait être réduite à la comptabilité et aux économies, de même que la médecine ne se limite pas à l’anatomie. Il constate que la santé coûte en moyenne à chaque Français un mois de ses revenus chaque année. « Si le système français de soins est onéreux, c’est tout d’abord parce qu’il choisit systématiquement le plus cher », martèle-t-il, tout en reconnaissant en revanche que la France « investit peu et paye mal ses médecins ». En offre de soins comme en matière de médicaments, « le plus n’est pas le mieux », plaide-t-il. Il pointe un facteur inflationniste à ses yeux : « Le malade n’achète pas à son médecin des biens ou des services, mais de la confiance ».
L’économiste estime que ce coûteux système repose historiquement sur « deux poutres maîtresses, deux forces antagonistes », l’Assurance-maladie et la « médecine dite "libérale" et ses "principes" », inscrits dans la charte de 1927 et à l’origine de la fondation du syndicat CSMF en 1928.
Quant au projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), qui prévoit des Agences régionales de santé (ARS) en 2010, il s’inscrit plutôt dans la continuité, selon lui. « Sur une toile de fond qui fut celle de l’accroissement de la solidarité [avec un financement accru par l’impôt CSG et les taxes, NDLR] , il y a eu, durant toute cette période, et surtout depuis 1990, une étatisation et une bureaucratisation grandissantes », explique-t-il. La création des ARS « ne sera que l’aboutissement d’une évolution de bientôt 40 ans ».
Enfin, l’ex-directeur des Hôpitaux ayant introduit en 1982 le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI, prémices de la T2A), se penche sur les défauts de la tarification à l’activité. Pour Jean de Kervasdoué, qui ne désespère pas de voir se « réconcilier raison médicale et raison économique », ce mode financement n’est « pas pire » que le reste (tarification antérieure au prix de journée puis budget global). « Ce qui ne marche pas », assure-t-il, ce n’est pas ce système de paiement, « adopté dans le monde entier », mais seulement sa « greffe française ».
(*): Jean de Kervasdoué, « Très cher Santé », Ed. Perrin, 227 pages, prix : 14,90 €.
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