Femme de près de 40 ans

« Je suis de plus en plus ballonnée après les repas »

Publié le 01/11/2006
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Il y a quatre ans

Elle avait consulté quatre ans auparavant pour les mêmes symptômes. L’échographie abdominale était normale (en dehors d’une aérocolie), de même que la fibroscopie oeso-gastroduodénale, avec biopsies duodénales.

Elle a un antécédent d’appendicectomie dans l’enfance et sa mère a eu une cholécystectomie pour lithiase. Elle ne prend pas de médicament.

Elle est en bon état général, pèse 65 kg pour 1,55 m ; l’abdomen est modérément ballonné, sensible de manière diffuse mais souple ; le toucher rectal est normal.

Deux calculs

Les examens biologiques NFS, VS, CRP, transaminases, phosphatases alcalines, gamma-GT, calcémie, glycémie et bilan lipidique sont normaux. Une nouvelle échographie hépato-biliaire met en évidence dans la vésicule deux calculs de 8 et 10 mm avec cône d’ombre, la paroi vésiculaire est fine, les voies biliaires intrahépatiques et la VBP sont normales ; il n’y a pas de douleur au passage de la sonde.

Questions

La patiente vous demande un avis. Elle pense devoir, comme sa mère, subir une cholécystectomie et a vu sur Internet que cette intervention se faisait actuellement sous coelioscopie au cours d’une hospitalisation de quarante-huit à soixante-douze heures.

Réponses

C’est une lithiase vésiculaire asymptomatique.

Le seul symptôme typique de lithiase biliaire est la douleur biliaire ; il s’agit d’une douleur à début brutal d’intensité rapidement croissante siégeant dans plus de la moitié des cas dans le creux épigastrique, pouvant durer de trente minutes à quelques heures et irradier vers l’épaule droite et le dos ; plus rarement, elle est dans l’hypocondre droit (30 % des cas), voire, de manière atypique, dans l’hypocondre gauche, le dos ou la région ombilicale. Elle peut s’accompagner de vomissements.

L’examen clinique au décours de la crise peut retrouver une sensibilité de la région épigastrique, mais l’abdomen reste habituellement souple. Rappelons que le classique signe de Murphy, douleur provoquée avec inhibition respiratoire à la pression de l’hypocondre droit, est peu spécifique.

C’est surtout une patiente souffrant de dyspepsie.

Les nausées, la sensation de plénitude et de ballonnement postprandial, d’intolérance aux graisses sont les symptômes d’une dyspepsie fonctionnelle et sont sans rapport avec une lithiase biliaire. Ces troubles dyspeptiques sont fréquents dans la population générale et nos patients sont souvent convaincus à tort d’une responsabilité vésiculaire. D’ailleurs, ces symptômes ne sont pas plus améliorés par la cholécystectomie que les états migraineux. La dyspepsie fonctionnelle motrice paraît secondaire à des perturbations des fonctions de réservoir et d’évacuation de l’estomac à des degrés variables. La bénignité habituelle de la dyspepsie explique le faible recours aux explorations fonctionnelles (étude de la vidange gastrique par scintigraphie ou à l’acide octanoïque marqué) permettant de mettre en évidence, en milieu spécialisé, le trouble causal. Le diagnostic est donc en règle clinique.

Néanmoins, devant des troubles chroniques ou récidivants, des examens biologiques peuvent être utiles pour éliminer une pathologie métabolique ou hépatique associée.

L’indication de la fibroscopie oeso-gastroduodénale est discutée. Dans les recommandations, elle n’est impérative que chez des patients de plus de 50 ans ayant des symptômes récents. En pratique, si elle est effectuée, des biopsies duodénales doivent être faites pour éliminer une maladie coeliaque, cause fréquemment méconnue de dyspepsie chronique. La recherche d’ Helicobacter par biopsies antrales est également à discuter. En effet, le bénéfice de son éradication sur la dyspepsie est loin d’être prouvé. En revanche, le rôle potentiel cocarcinogène gastrique d’ Helicobacter est connu et peut justifier cette attitude.

Rassurer

Il faut, dans un premier temps, rassurer ces patients.

Le traitement médical repose habituellement sur les corrections diététiques, notamment la réduction de la consommation de graisses, sans niveau de preuve de son efficacité ; la fragmentation des repas serait plus utile. Les prokinétiques (dompéridone, métoclopramide dont l’usage prolongé est limité par les effets secondaires centraux) sont habituellement prescrits. De nouveaux médicaments agissant sur les récepteurs de la sérotonine pourraient être une voie d’avenir.

Pas de cholécystectomie prophylactique devant une lithiase de découverte fortuite

Le consensus actuel est d’opérer uniquement les lithiases symptomatiques, et la cholécystectomie coelioscopique est l’intervention de référence. Quatre-vingts pour cent des lithiases sont asymptomatiques au moment de leur découverte.

L’incidence de douleurs biliaires chez ces patients sera de 1 à 2 % par an.

Le risque de complications sur quinze à vingt ans est de 5 %. Le risque de cancer de la vésicule sur vésicule lithiasique est faible et estimé à 0,02 %. Il survient presque toujours après 60 ans. Les risques de la cholécystectomie sont chiffrés. Le risque global de la mortalité est faible, de 0,14 à 0,5 %, et varie dans les séries en fonction de l’âge et de l’état général des patients. En fait, le risque le plus important est celui d’une plaie des voies biliaires. Il paraît deux à quatre fois plus important en chirurgie coelioscopique et peut être responsable de morbidité parfois durable et d’interventions itératives. Ce risque diminue avec l’expérience de l’opérateur.

> Dr PIERRE PERIAC Hépato-gastroentérologue Paris

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8042