Le médecin, bien sûr ne souhaite pas la mort des gens, mais s’il se réjouit de leur guérison, souhaite-t-il tout autant qu’ils soient malades, afin de ne pas crever de faim sur son talus ?
La non-revalorisation de nos actes incite à flirter avec ce raisonnement.
La perversion des systèmes de soins nous conduit à ces concaténations :
a) En milieu hospitalier : plus il y a d’entrées, plus on aura de budget pour (mieux) soigner les patients.
b) En libéral : plus j’ai de patients, plus je peux vivre dignement en regard de mes études et de mes responsabilités.
c) En milieu carcéral : il n’y a plus assez de patients qui sont incarcérés on n’aura plus le budget pour les travaux d’agrandissement de notre salle de soins !
Dans les trois cas de figure, la posture intellectuelle est semblable à celle de celui qui, pris dans un bouchon sur l’autoroute, souhaite qu’il soit dû à un accident et non pas à des travaux, car la durée moyenne de désengorgement est inférieure dans le premier cas par rapport au second. Et cela me semble une bien mauvaise chose, tout autant qu’une chose quelconque peut jamais l’être.
Devons-nous souhaiter l’emprisonnement des gens, devons-nous souhaiter la maladie pour nos contemporains afin de mieux les soigner ? C’est une chose de contribuer à leur guérison, c’en est bien une autre d’espérer qu’ils soient malades pour le faire.
C’est le serment d’Hippocrate que j’ai prêté, pas celui de la T2A, ni celui de la convention avec la CPAM ! Quand deux objectifs rentrent en contradiction, il incombe à chacun dans son for intérieur, de cheminer sur la voie qui lui paraît la plus cohérente et de se réinterroger sur l’essence de son rôle au sein d’une société qui l’a perdu de vue.
Avons-nous le fond méchant ?
* Installé depuis trente en médecine générale, chef de service de l’USMP de la maison d’arrêt de Douai, diplômé de la capacité de médecine pénitentiaire, assurant des gardes aux urgences de l’hôpital de Douai.
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