Trois questions au Pr Claude Le Pen*

« Je ne crois pas à un bouleversement de la politique de santé »

Publié le 11/05/2012
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : ©GARO/PHANIE

Comment qualifier la situation financière de la Sécurité sociale dont hérite le nouveau gouvernement ?

On est face à un déficit tendanciel un peu moindre que par le passé, qui tourne autour de 10 milliards d’euros, dont 6 à 7 pour la branche maladie, avec un endettement de 142 milliards. Dans ce contexte, les choix du gouvernement vont devoir être faits très vite. Et d’ailleurs les services de l’Etat préparent déjà le PLFSS 2013. Le nouveau président de la République a annoncé un Ondam à 3 % pour 2013, alors que Nicolas Sarkozy, pour sa part, tablait sur 2,5 %. Cela fait 0,5 point d’écart, mais compte tenu d’une croissance spontanée des dépenses de santé de l’ordre de 4 à 5 %, le gouvernement va devoir faire un plan d’économies de 2 à 3 milliards d’euros. Cela suppose un plan d’économies assez sévère, du même ordre que celui opéré en 2012, mais ce ne sera pas facile à trouver, car beaucoup de mesures ont déjà été prises sur le médicament.

La politique de santé va-t-elle être bouleversée ?

La santé a été une des grandes absentes de la campagne, sans doute du fait du caractère assez technique de ces questions, mais aussi parce qu’il n’y a pas d’oppositions franches des deux camps sur ce terrain. Donc, je ne crois pas à un bouleversement de la politique de santé. Chacun pense qu’il y a des progrès à faire sur la coordination des soins et qu’il faut revaloriser la médecine de premier recours?; le parcours de soins du patient me semble bien établi... La défense de l’hôpital public est certes un point important pour la gauche, mais cela ne signifie pas que l’on renoncera aux gains de productivité. Ajoutons que les ARS resteront dans le paysage régional, leurs PRS sont en voie d’achèvement et il n’est pas dit que leurs directeurs changeront. Enfin, je ne crois pas à des mesures très autoritaires en matière de démographie médicale. Je ferai donc le pari de la continuité.

Parmi les syndicats de médecins, des voix se font entendre pour réclamer un desserrement de la contrainte financière?; d’autres suggèrent une meilleure prise en charge dans le cadre du parcours de soins comportant le cas échéant la suppression des franchises. Est-ce envisageable ?

Desserrer la contrainte financière supposerait soit une hausse de la CSG, avec le risque que cette hausse des prélèvements obère le pouvoir d’achat, soit un élargissement de son assiette, mais celle-ci est déjà très large, ce qui explique d’ailleurs qu’un point de CSG rapporte 8 à 10 milliards d’euros. La piste d’une fusion CSG-IRPP est, par ailleurs, compliquée à mettre en place, car leurs assiettes sont très différentes. Reste l’endettement, mais ça ne semble vraiment pas le moment. La piste de la suppression des franchises me semble difficile aussi à mettre en œuvre, tout simplement parce que cela représente

900 millions d’euros chaque année. Je crois d’ailleurs que si la croissance reste autour de 1 %, comme au cours des cinq années précédentes, on aura un problème?; il faudra faire des choix de financement et reconfigurer le système d’assurance-maladie.

*Professeur d’Economie de la santé à la Faculté Paris Dauphine.
Propos recueillis par Jean Paillard

Source : lequotidiendumedecin.fr