APRES LA COMÉDIENNE Maïa Simon qui avait décidé de relancer, post mortem, le débat sur l'euthanasie, en révélant avoir eu recours à un «suicide médicalement assisté en Suisse» pour abréger des souffrances dues à un cancer, c'est au tour d'une patiente de 52 ans d'adresser une demande au président de la République pour faire évoluer le cadre législatif. «Je demande à ce qu'on m'aide à partir», a-t-elle lancé sur France 2.
Ancienne professeure des écoles, Chantal Sébire est atteinte d'esthésioneuroblastome, une tumeur maligne très rare des fosses nasales qui se développe dans la cavité nasale aux dépens du nerf olfactif. Elle dit avoir perdu l'odorat et le goût en 2000, mais c'est en 2002 que le diagnostic a été établi à la suite d'hémorragies nasales. Elle sollicite plusieurs avis médicaux : le pronostic est défavorable, «la tumeur est incurable».
Après sept ans d'évolution, la patiente présente une déformation spectaculaire du visage et une perte presque totale de la vue. Surtout, elle se plaint de douleurs «atroces». Chantal Sébire refuse «de finir sa vie endormie sur un lit d'hôpital». Son combat aujourd'hui : «partir dignement dans la mort». Elle a accepté de le clamer devant les caméras, soutenue par deux de ses trois enfants.
Limites de la loi.
Le Dr Emmanuel Debost, son médecin traitant avoue comprendre la démarche et, tout comme sa patiente, il souligne les limites actuelles de la loi. «D'un côté, explique-t-il au “Quotidien”, il y a le professionnel de santé que je suis. Celui qui accompagne sa patiente, qui lui prescrit des médicaments pour soulager la douleur et l'accompagne psychologiquement. De l'autre, il y a l'homme qui comprend tout à fait sa souffrance. On peut tolérer de souffrir pour vivre, mais souffrir pour mourir, c'est une autre dimension. En tant qu'individu, je souhaiterais que la législation sur l'euthanasie évolue.» Selon lui, l'exemple de Chantal Sébire illustre les limites de la loi Leonetti.
Il n'est pas convaincu de la réponse du député-médecin quand, réagissant sur France 2, il affirme que les moyens existent pour aller au-delà de la simple atténuation de la douleur. Le médecin «doit, souligne le député, supprimer la douleur et même la souffrance morale quitte à ce que cela accélère la mort». Quid du patient qui souhaite garder pleinement sa conscience, interroge le Dr Debost. Pour lui, la loi Leonetti ne répond pas à ses interrogations : «Elle ne résout pas le problème de la fin de vie. La loi nous dit que l'on ne peut que regarder la patiente mourir sans douleur. Je n'ai pas le droit de la faire mourir. Même sans douleur, il faut pouvoir accompagner une fin de vie. Le passage de la vie à la mort fait partie de la vie et devrait aussi être pris en charge médicalement par le corps médical.» Le généraliste se sent démuni face à cette patiente «qui va mourir à moyenne échéance» et «n'ose imaginer comment».
Il reconnaît être confronté pour la première fois à ce type de problème et avoir récemment changé d'avis : «J'avoue humblement que je n'avais pas du tout cette opinion. Je n'étais pas forcément pour une législation. Cela devait être du ressort de l'intime conviction.» Aujourd'hui, il dit mesurer le flou laissé par la loi et dénonce un refus de responsabilité par la société. S'il n'est pas favorable à «un droit au suicide» comme en Suisse, il se réfère plutôt à l'évolution législative telle qu'elle a eu lieu aux Pays-Bas en 2001, en Belgique en 2002 et récemment au Luxembourg. «Aux Pays-Bas, la loi n'a pas fait exploser les demandes d'euthanasie. Le cadre législatif devrait permettre d'encadrer la décision qui résulterait d'un travail d'équipe», conclut-il.
La patiente, elle, revendique de pouvoir garder sa lucidité jusqu'au bout : «Quand le patient est conscient, quand le corps médical dit qu'on ne peut plus rien pour cette personne, alors qu'ensemble se prenne une décision d'accompagnement.»
Une tumeur rare
L'esthésioneuroblastome, ou neuroblastome olfactif, est une tumeur très rare qui se développe à partir du neuroectoderme. Les deux premiers cas ont été décrits en France en 1924 et, depuis une vingtaine d'années, moins de 1 000 cas ont été publiés dans la littérature mondiale. Les auteurs reconnaissent en général deux pics de fréquence pour l'âge de survenue de la tumeur, l'un entre 11 et 20 ans, l'autre chez l'adulte entre 51 et 60 ans. Le diagnostic est souvent réalisé de six mois à un an après l'apparition des symptômes. Ils ne sont pas spécifiques, mais les deux plus fréquents sont l'obstruction nasale et l'épistaxis. La tumeur se développe lentement avec un envahissement de l'orbite et de la base du crâne. Le diagnostic précoce peut permettre une résection complète de la tumeur. Chez les patients qui ont pu être traités grâce à une chirurgie maximale suivie d'une radiothérapie, les taux de survie à cinq et dix ans étaient de 89 et 81 %.
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