La santé en librairie
JULIEN a 25 ans ; ses parents l’espéraient médecin ; il est seulement hypochondriaque ; c’est son frère cadet qui porte la blouse blanche et possède la santé mentale censée l’accompagner. Etudiant raté, perpétuel indécis, c’est à ses parents qu’il doit son stage dans un cabinet d’avocat, ce qui ne le rend pour autant pas plus reconnaissant qu’assidu au travail. Depuis son bureau de stagiaire, il passe ses journées à observer les vagues à l’âme d’une jeune femme vivant dans l’appartement d’en face. Entre identification à cette mélancolie voisine et voyeurisme, inhibé, Julien perd le reste de son temps chez son psychanalyste, un certain Pinto ( «Nous allions bientôt fêter nos cinq ans de consultation. Nous étions comme des amis de longue date sauf que c’était toujours moi qui payais l’addition.»).
Une nuit, ce héros écorché vif et looser professionnel, ce souffreteux chronique qui désole ses parents depuis sa plus tendre enfance, est brutalement réveillé par une violente douleur au crâne. Comme dans l’histoire de Pierre qui hurle au loup, personne ne s’inquiète de cette énième manifestation de la névrose de Julien. Intrigué plus que vraiment concerné par cette douleur, comme toujours un peu étranger à lui-même et aux autres (excepté à la fille d’en face qui a du vague à l’âme), il consulte de nombreux spécialistes – tous plus caricaturaux les uns que les autres, roman oblige. Jusqu’à ce qu’une consoeur neurologue et ex-maîtresse de son frère Alexandre, aussi épanoui professionnellement que sexuellement (lui au moins), fasse le diagnostic : ses maux de tête sont le fait d’un anévrisme. Dès lors, tout change.
L’hypochondriaque est sauvé par sa maladie : il se met à regarder le monde autrement et les autres le voient sous un autre jour. La remarque faite par son frère bien avant la découverte de cet anévrisme – «En ce qui te concerne, Julien, la question n’est pas de savoir s’il y a une vie après la mort, mais si tu auras une vie avant la mort» – prend alors un autre sens. «La consultation avait donné corps à ma désespérance. (...) Je pourrai dorénavant mettre un nom sur le coupable de mes angoisses», dit Julien en sortant de chez le neurologue. Et tel le papillon, notre héros tourmenté sort de sa chrysalide et se décide à sonner à la porte de la mélancolique mais non moins charmante voisine, qui, bien sûr, attendait ce prince-là. Un jour, mon anévrisme viendra...
« La Consultation », Laurent Seksik, J.-C. Lattès, 175 pages, 13,50 euros.
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